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très particulier gui ne ressemble a rien de ce gue je connais? s. La distinction
est reprise par John Locke qui, de passage ä Bordeaux, sempresse d’aller visiter
le domaine, en 1677-1678. II faut dire que le philosophe était un habitué de la
« taverne » Chez Pontac, sans doute le « premier restaurant distingué de Londres »
ouvert par la famille bordelaise. Citons enfin les remarques de l'écrivain anglais
John Evelyn, qui notait, le 13 juillet 1683, avoir eu « une trés longue conversation
avec M. de Pontac. Ce gentilhomme, qui est le fils du célébre et avisé président de
Bordeaux, est le propriétaire des excellents vignobles de Pontac et de Haut-Brion,
d’oü proviennent nos plus fins et meilleurs vins de Bordeaux” ». Ainsi, la puissante
mutation qui se produit au tournant des XVII* et XVIII: siècles a été amorcée par
des propriétés pionnières comme celle de Haut-Brion.

À l'inverse, si certains furent en avance sur cette mutation, d’autres furent
en retard et s’en tinrent à une production routinière. Les magistrats tenaient les
meilleurs vignobles, mais tous ne possédaient cependant pas des crus d'exception
et en l'espèce, l'arbre a souvent caché la forêt, car pour un seigneur des vignes,
combien de « vignerons » ? La carte des propriétés des magistrats a montré une
forte concentration dans la pointe de l’Entre-Deux-Mers, vers Ambès, Ambarès
et Montferrand, puis sur la rive droite de la Garonne, à hauteur de Cenon, Floirac,
Bouliac, zone qui correspond aux premières côtes de Bordeaux, et enfin le long
de la Garonne, de l’Tsle Saint-Georges à Cadillac. Or, si l’on reprend le tarif de
1647, on a là affaire à des vins qui se vendaient le plus souvent peu chers, à part
la notable exception des vignobles de palus. Mais le temps ne joua pas en faveur
de ces terroirs. La Bourdonnaye* ne s’y était pas trompé : « Ce qui fait la grande
abondance des vins, ce sont ceux d’Entre-Deux-Mers, des palus du côté de Ga¬
ronne, au-dessus de Bordeaux, jusque vers Barsac en Cubzagais, Fronsadais et vers
Libourne, au-delà de la Dordogne », ajoutant que très souvent, ce vin était en fait
destiné à la distillation. Les vignes de l’Entre-Deux-Mers produisaient en effet
un vin de faible qualité mais il était très abondant. Aussi servait-il à la fabrication
d’eau-de-vie, tradition de distillation rurale à but commercial qui se perpétue dans
la région durant le XVIII: siècle*!. Les inventaires après décès mettent parfois à
jour cette pratique. Léonard François de Gombault*? possède par exemple, dans sa
maison noble de La Rue, paroisse de Notre-Dame de la Chapelle d’Ambès, « deux
chaudières de cuivre rouge à faire de l’eau-de-vie, garnies de ses parties et chapeau
de cuivre, portes de fer ». Le plus souvent, c'était cependant les négociants hol¬
landais qui se chargeaient de cette opération, une fois les vins acheminés jusqu’à
Amsterdam.

Durant le règne de Louis XIV, il se produit donc une mutation du vin borde¬

7 Mynors Bright et John Warrington (eds), Diary of Samuel Pepys, London, Dent, 1953, p. 83.

28 John Locke, Œuvres complètes, Paris, F. Didot, 1839, t. X, p. 329.

39 Diary of Jobn Evelyn, cité par René Pijassou, op. cit., p. 340.

% AN, KK 1317, mémoire de la généralité de Bordeaux, par La Bourdonnaye.

31 Louis Cullen, « Bordeaux dans le cadre du commerce international des eaux-de-vie au XVIII siécle »,
dans Bordeaux, porte océane, Bordeaux, FHSO, 1999, t. II, p. 35-42.

2 AD 33, 3 E 2028, 22/06/1699, inventaire du conseiller Léonard Francois de Gombault.

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