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DE LA BONNE MONNAIE

dans une certaine mesure nous guider sur l’expérience du passé. De tout ce
qui précéde il ressort, par exemple, que les lois qui établissement le partage
forcé des bien sont a la fois contre nature et mortelles pour les sociétés qui
se les laissent imposer. M. Le Play proposait de les remplacer par la liberté de
tester. Il se peut que ce soit un moyen de transition nécessaire, mais cela ne
saurait être Le but à atteindre : le rétablissement de la transmission intégrale
d’un foyer et d’un domaine est indispensable à la reconstitution de la famille.
Et cela est bien loin de n'être vrai que pour les grandes propriétés : dans l'état
actuel des choses, la conservation des propriétés de moyenne grandeur et des
petites propriétés est peut être encore plus pressante.

Sans paysans, il n’y a plus d'agriculture, et tout pays qui les laisse disparaître
est voué à une destruction rapide et certaine. Or, un véritable paysan est
nécessairement propriétaire ; il doit avoir un bien qui suffise à son entretien et
à celui de sa famille qui, dans l’état normal, est presque toujours nombreuse.
Cette classe utile et respectable entre toutes diminue cependant à vue d'oeil.
En France, le partage forcé l'amène infailliblement au paupérisme ; il lui enlève
jusqu’au goût de la propriété ; dans toute l’Europe elle est accablée d'impôts
ce qui rend à peu près impossible la lutte contre les producteurs d'outre-mer.
Parmi ces impôts, ceux qui frappent la transmission de la propriété ont atteint
des proportions telles qu'il est le plus souvent nécessaire de s’endetter pour
les payer. On répète volontiers que l’agriculture manque de crédit ; elle n’en a
que trop, car la terre est partout couverte d’hypotheques ; or, il y a longtemps
qu'on l’a dit, rien ne marque mieux la décadence, rien ne la précipite davantage
que la facilité avec laquelle on s’endette. Il n’est pas probable que nos nations
usées puissent échapper à la décadence, mais au moins devrions nous nous
efforcer rendant inaliénables les biens dont la conservation est nécessaire. Or,
tels sont contredit ceux qui constituent le foyer et le domaine du paysan. Les
américains nous ont précédé dans cette voie et il est inutile de développer ici
le système déjà si connu des home-steads.

La question des biens de mainmorte nous ramènerait directement à celui
du régime corporatif : bornons-nous donc à dire que la constitution des
patrimoines corporatifs aurait l'avantage incontestable de retirer une portion
assez portion assez considérable de biens territoriaux de la circulation. Elle
créerait de nouvelles valeurs sociales, c'est-à-dire enlevées à l'échange et même
à l'appropriation individuelle en vue du bien commun. Cette observation
s'applique aux biens d'église, comme aux patrimoines corporatifs proprement
dits ; aux propriétés communales comme à celles des universités libres ou des
établissements de bienfaisance.

Je n’ai pas la prétention d’avoir traité la question agraire. J'ai voulu seulement
émettre quelques principes que je crois fondamentaux. Le principal est celui
de la subordination nécessaire de l’ordre purement économique à l'ordre
moral ou, si l’on veut, de la science économique à la science sociale. Sous cette

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