C’est l’année qui anticipe les conflits majeurs en Europe. Le poudrier social et
culturel est prêt à s’exploser : Édouard Drumont publie sa France juive, dans
un pays où l’on vote la loi du 30 octobre 1886, sur la laicisation du personnel
des établissements publics d'enseignement primaire. C’est aussi l’an I” de la
crise Boulanger. Les monarchistes s’approchent à petits pas au « Général »
car, contrairement aux libéraux et aux radicaux, il apparait comme leur espoir
ultime. Le conflit social entre les propriétaires et les ouvriers est à son comble.
Le 1* Mai, aux États-Unis, une grève générale en faveur des 8 heures de travail
paralysant le pays rappelle à l'importance de la « question ouvrière ».
LVélan que l’Union avait pris lors de sa fondation, était justifié par l’incroyable
activité de ses membres en 1886. Les catholiques sociaux présentent une série
de notes, de propositions et des essais.
Lappui romain ne leur manque plus : un bref daté du 12 avril, intitulé
« Notre paternel intérêt. » a été adressé à Mgr Mermillod, encourageant
les membres de l’Union à continuer les travaux. L'Union n’en manque pas
cette année. Le baron d’Avril rédige une note sur la restauration chrétienne
du droit international, Milcent prépare une étude sur les bases d’une entente
internationale pour la protection des travailleurs. Il est également auteur
d’un rapport sur le régime corporatif. Sur ce dernier sujet, nous possédons
également une note de 4 pages, de la main d’un professeur d'économie
politique de l’université d'Angers, Ferdinand Hervé-Bazin. Même René de la
Tour du Pin s’y prononce.
La « question agraire » excite aussi les esprits : le comte Esterhäzy, le
comte de Bréda, Hervé-Bazin se prononcent sur le sujet. L'enthousiasme
règne, comme en témoignent les procès-verbaux de la séance annuelle. Les
membres présents, après des discussions de fond, adoptent les thèses sur la
propriété rurale lesquelles définissent celle-ci comme un bon exemple de la
négation de la nature absolue de la propriété privée. Il est intéressant de voir
comment les grand propriétaires fonciers catholiques d'Europe reconnaissent
la régularisation du profit provenant de l’agriculture, puisqu'il s’agit du sol
national, un bien quasi sacré, constituant — tout en étant une propriété privée
très spéciale — la patrie. Ces catholiques sont sensibles aux problèmes sociaux
et puisqu'ils regardent l’homme comme frères dans le Christ, ils donnent la
priorité à la dimension humaine de la propriété.
L'étude sur l'instauration du régime corporatif ouvre Le débat sur le dilemme
suivant : s'agit-il de la restitution des anciennes corporations, type féodale, qui