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DE LA BONNE MONNAIE

l'économie politique dans une société chrétienne, où la liberté du travail et
plus complètement encore celle de la propriété étaient louées en principe et
cette dernière même donnée pour un bienfait de l’Église ; comme si l’auteur
eut ignoré son origine révolutionnaire si récente dans la plupart des pays de
l’Europe et les maux effroyables qui en sont déjà résultés.

En même temps, en France, un véritable économiste d’une grande
expérience, M. Le Play," sans aller aussi loin et surtout, sans chercher à
engager la responsabilité de l’Église dans la question, s’inclinait aussi en ses
conclusions tirées d’une longue série d'observations devant l'établissement du
régime libéral — sans le regarder toutefois comme une conquête heureuse mais
bien comme un fait accompli sans retour ; si bien que son école dite de la paix
sociale,” quoique critiquée par le professeur belge comme insuffisamment
chrétienne, contribue avec celle de Louvain à peupler les chaires d'économie
politique, qui s'ouvrent dans les Instituts catholiques de France,” de maîtres
excellemment intentionnés mais en discordance complète avec les disciples de
Mgr de Ketteler.

Le désarroi est ainsi à son comble chez les catholiques, encore bien peu
nombreux, qui s’émeuvent devant le triomphe orgueilleux et funeste d’une
science assez pervertie pour se proclamer athée en même temps qu’elle touche
aux questions sociales les plus graves et qu’elle remue les passions les plus
violentes. Ils ne peuvent se résoudre à opter comme la plupart le font, soit
pour le camp libéral s’ils y ont fait ou croient faire leur fortune, soit pour le
camp socialiste si au contraire ils ont pâti du régime dominant (comme c'est
de plus en plus le cas pour Le grand nombre). Mais ils ne savent lequel écouter
d’entre les hommes de bien qui déploient l’étendard de l’Église dans des voies
si opposées entre elles.

Ces catholiques espèrent que le Pontife romain qui a déjà fait entendre sa
parole souveraine”? pour condamner les voies que le libéralisme a ouvertes
au socialisme et dans lesquelles celui-ci s’est rué avec une logique infernale,
daignera faire encore quelque lumière sur le chemin qu'ils doivent prendre
eux-mêmes pour échapper à la contagion de l’une comme de l’autre de ces
erreurs. Ils l’espérent surtout depuis qu’ils ont vu le docteur infaillible remettre
si hautement en honneur l’enseignement de Saint Thomas”* où se trouve en
principe toute la science sociale.

Entre tous, les catholiques de France sentent peut-être le plus vivement le
besoin de ce secours auguste, car tandis que dans les plus puissants des Etats
qui les environnent, les princes légitimes qui gouvernent se penchent en ce
moment — aussi bien en Autriche qu'en Prusse — pour écouter les plaintes
de leurs peuples et y porter remède, ici par des lois protectrices du travail,
la par la répression de l’usure qui détruit les foyers, les catholiques français
n'ont rien à attendre de semblable d’un gouvernement ennemi de la religion et
contempteur de ses bienfaits pour la société civile. Chez eux enfin, ils voient

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