en rapport rétentionnel avec lui. Par conséquent ce n’est pas seulement le sujet
diachronique qui est dépourvu d’origine, an-archique, mais aussi la responsabilité
éthique.) Tout cela nous conduit à l’idée centrale suivante, relevant du domaine
de l'éthique : le temps n’est pas un temps intérieur ou extérieur dépendant d’un
sujet isolé, il est intersubjectif, c'est-à-dire qu’il imprégne tout aussi bien le rapport
éthique à autrui.
Comme nous venons de le voir, tandis que pendant la première période, la
pensée lévinassienne était encore axée sur l'opposition du Même et de l’Autre,
elle s'organise ici autour du rapport du Dire et du Dit qui sont mis en opposition
par l'intervalle de la diachronie résultant de la nouvelle interrogation relative à
la philosophie du temps. Or, l'énoncé précédant le Dit, c’est-à-dire le discours
apophanatique tendant à l’objectivation et à la représentation, correspond à un
acte originel qui se réfère au temps diachronique analysé ci-dessus et qui, en
tant que tel, représente la dimension de la responsabilité pour autrui. Nous
avons également vu que dans l'esprit de la phénoménologie du face à face et de
l'immédiat, le visage devient une métaphore totalisant la présence, et son langage
non linguistique — contrairement aux efforts de Lévinas — réduit l'infini en fini.
Ce dont il n’est plus question ici. Par le fait que la diachronie susmentionnée
rompt l’horizon du temps concu dans sa continuité ou, autrement dit, la totalité,
c'est-à-dire la relation éthique du Même et de l’Autre dépasse les cadres de
l'immédiat absolu et devient l'acte de verbalisation du Dire. La structure
relationnelle (diachronique) du Dit et du Dire en est également garant: le Dire,
en tant qu’acte originel de l'éthique, correspond, par son essence, à l’acte d'adresser
la parole à autrui. Par conséquent le sens — non seulement du Dit mais aussi celui
du Dire — se distingue d’une structure à l’intérieur de laquelle le Dire est orienté
vers quelque chose d'autre, même si ce n’est pas un signe qu’il relie à une chose,
mais un homme à un autre homme.
Mais la question qui nous intéresse ici reste toujours la même: quel est le
rapport que la radicalisation lévinassienne de l'élément génétique et diachronique
— c'est-à-dire de la différence, du décalage de la temporalisation connus de la
phénoménologie du temps de Husserl - établit avec la notion de l'infini ? Rappelons
que l’idée de l'infini de Descartes représente une valeur hautement appréciée
dans la phénoménologie lévinassienne justement par son caractère transcendantal,
c'est-à-dire en tant qu’idée qui ne peut pas émaner de l'esprit fini, mais qui tire
1 Quant a la conception du langage des écrits tardifs de l'œuvre lévinassien, v. les études de Tamäs
Ulmann, « Kifejezés, nyelv és retorika Lévinasnäl » [L'expression, le langage et la rhétorique chez
Lévinas]. In Pro Philosophia, 2004/2, et « Lévinas, az alteritas filozéfusa » [Lévinas, le philosophe
de l’altérité]. In Helikon, n° 1-2, 2007, p. 204-216.