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STÉPHANE KALLA (c'est à dire aux re-présentations passées), et chaque nouvelle boucle formée à partir d’une même rétention originelle repositionne une fois encore l'objet par rapport à son environnement (et inversement), modifiant ainsi la connaissance de l’objet en question. Ce dernier point est vertigineux : en effet, une connaissance achevée (homogène et unifiée) de l’objet semble de facto impossible à cause de ce mouvement de déplacement perpétuel de la perception vers la re-présentation, de la rétention vers le ressouvenir, c’est pourquoi nous ne connaîtrons jamais que des facettes de l'objet, la totalité de ce dernier nous étant inaccessible. Par conséquent tout processus de modélisation de l’objet est nécessairement biaisé en amont en ce que la temporalité de la donation originaire de l’objet est irrémédiablement perdue dans le glissement de la rétention vers le ressouvenir, qui marque l’avènement d’une temporalité plus abstraite et désincarnée, celle du présent de répétition. De ce point de vue le projet d’une naturalisation de la phénoménologie husserlienne doit être relativisé, en effet, ledit projet repose en partie sur une méthodologie réductionniste selon laquelle les systèmes de complexité supérieurs (par exemple les états de conscience et les niveaux représentationnels), ne peuvent être compris qu’à partir des propriétés fondamentales de systèmes physiques sous-jacents, (par exemple le système nerveux). Mais l’un des enseignements des Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps est justement que le temps authentique est irrémédiablement perdu pour la re-présentation, et ne peut donc être intégré dans aucune forme d’objectivation. Une re-présentation complexe, comme l’est par exemple celle du système nerveux, est le produit d’un nombre incalculable de re-présentations sous-jacentes dont l’interdépendance et l'organisation reposent en définitive sur un temps de répétition et de réajustement perpétuel qui n’est plus tout à fait le temps des donations originelles. Les réseaux du niveau représentationnel, de plus en plus complexes et interdépendants, se forment à 5° La dualité conceptuelle rétention / ressouvenir de la phénoménologie husserlienne trouve un certain écho dans la philosophie bergsonienne au travers de l'opposition des concepts de mémoire spontanée et mémoire de répétition: «Comment ne pas reconnaître que la différence est radicale entre ce qui doit se constituer par la répétition et ce qui, par essence, ne peut se répéter ?» Par des actes de répétition déterminés et finalisés, la mémoire re-présente (répete mécaniquement) des séquences rétentionnelles données afin d’en retirer des informations de plus en plus distinctes. A contrario, la «mémoire spontanée » ne se contente pas de répéter le passé «sous forme d’habitudes motrices », mais elle « retient l’image des situations par lesquelles elle a passé tour a tour, et les aligne dans l’ordre [irréductible] ou elles se sont succédé. » (Citations extraites de: Henri Bergson, Matière et Mémoire. Paris, PUF, p. 89.). La notion de « mémoire spontanée» tient dans la philosophie de Bergson une fonction similaire (mais pas totalement identique) à la fonction qu'occupe le concept de rétention dans la phénoménologie de Husserl. s 148 "