mentaires sur l'Ancien Testament ou qu’il raconte son passé, c’est toujours dans
 la perspective de s’exposer au jugement de la Vérité qu’il se penche sur sa vie.
 
Pour finir, en m'éloignant de cette perspective, je voudrais évoquer quelques
 absences dans la vision du monde du prince. Il ne s'intéresse absolument pas à
 la nature comme incarnation possible et concevable de l’Infini. Ni la mer ou
 l'océan, ni le ciel, ni le désert ou les prés n'apparaissent dans ses écrits. L'absence
 de description de paysages, de portraits peints de ses proches ou intimes avec
 des couleurs vivantes peut surprendre. Même dans les narrations, il ne s'étend
 pas sur les petits traits caractéristiques de ceux qu’il rencontre et qui restent
 ainsi des figurants dans son récit. Ses commentaires personnels manquent du
 piquant qu’une véritable plume poétique aurait pu ajouter aux faits et aux
 personnages racontés. Sa façon très cérébrale de présentation est liée à sa vision
 du monde, puisque certaines parties des Mémoires et de la Confession montrent
 toutefois, comme malgré lui, un talent d'écrivain. Sa perspective essentiellement
 religieuse l’a finalement empêché de développer son don naturel indubitable de
 devenir écrivain dans le récit de sa vie et dans ses réflexions. Il s’est refusé à orner
 la narration par des détails intéressants et s’est contenté d’un langage dépouillé
 (en latin tout aussi bien qu’en français) sans vouloir élaborer un style littéraire”.
 
Dans sa pensée et dans sa narration, l’immensité est toujours restée abstraite
 et invisible. La bonté et la vérité émanant de Dieu symbolisent pour lui l'infini
 qui lui suggère les seules pensées et sentiments authentiques auxquelles il veut
 se conformer dans sa vie, une fois sa carrière terrestre achevée. C’est dans cette
 perspective qu’il commence à rédiger tous ses ouvrages en renonçant à toute
 vanité, et donc à toute ambition esthétique aussi afin de pouvoir se donner
 entièrement à la Vérité Éternelle, à Dieu.
 
 
2 On a des preuves formelles qu’il ne voulait pas faire corriger les fautes de grammaire et de style
 de ses œuvres par ses secrétaires et amis très versés dans le latin ou étant originaires de France. Il est
 allé même jusqu’à restituer des formules fautives dans les copies corrigées par d’autres. Sa volonté
 donc de sauvegarder son usage du monde très austère dans son écriture est indubitable. V. les études
 relatives à son style particulier publiées dans la série Archivum Räkôczianum citée ci-dessus par Istvän
 Borzsäk, Baläzs Déri et moi-même.