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Moyen-Age™. Elle consistait à remplir régulièrement la barrique pour remplacer
le vin perdu par bouillonnement ou évaporation, car pour éviter aux vins de s’ai¬
grir, la barrique devait être toujours bien pleine. Aïnsi, au début du XVIII: siècle,
M. de Savignac note à chaque vendange qu’il réserve quelques barriques afin de
procéder à l’ouillage, soit dans le chai, soit pendant le transport. Mais ce souci se
rencontre déjà chez l’Avocat Général Jean-Olivier Dusault, en 1644" ou chez le
conseiller Pierre de Voysin, qui, lorsqu’il passe contrat pour le charroi de ses vins,
en 1651, stipule trés clairement que le matelot doit veiller 4 ce que le vin soit bien
ouille'!!. De la méme maniére, lorsquArnaud de Pontac passe contrat avec son
marchand de vin, il s’engage 4 « garder et entretenir d’ouillage » le vin jusqu’a la
Noél, charge qui incombe ensuite au marchand, qui prend soin de préciser que le
vin doit lui étre livré en futaille neuve.

L'usage de barriques neuves avait été repéré par René Pijassou'” a Haut-Brion
pour l’année 1689, mais l’acte mentionné ci-dessus montre que l’exigence concer¬
nant les futailles est bien antérieure. Les contrats de vente de barriques prouvent
que cette pratique était générale dans le milieu parlementaire, car ils étaient régu¬
liers et portaient sur des quantités considérables. On ne réutilisait quasiment ja¬
mais les vieilles barriques, sauf peut-étre pour l’usage de la maison. Les magistrats
accordaient un soin tout particulier aux barriques utilisées, souci qui est aussi celui
des avocats bordelais''’. Celles-ci n’étaient pas fabriquées sur le domaine mais
achetées a des charpentiers indépendants, auxquels on demandait des barriques
fabriquées « de bon bois de pays, deux tiers d’aulan et un tiers de chätaignier »!'*
et bien sûr sans cosson, à livrer au mois d’août sur le domaine ou au port le plus
proche. Il en existait de différentes qualités. La Chabanne signale qu'il utilise pour
son vin de Queyries des barriques dites « fortes », d’un coût supérieur, propres à
supporter les longs cours! ®. Mais de façon globale, le prix de la douzaine de bar¬
riques connaît une augmentation réelle : d’une trentaine de livres dans les années
1640, il s'élève à une quarantaine de livres dans les années 1660.

Le second XVII° siècle constitue donc une période charnière pour le vignoble
bordelais. Par les domaines qu’ils possédaient, par les moyens financiers dont ils
disposaient, les magistrats du Parlement, élite économique et politique de la ré¬
gion, étaient à même d’initier les innovations, et c’est bien dans leurs rangs que se
rencontrent les figures pionnières. Aussi, le Premier Président Arnault de Pontac,
son successeur et héritier le Premier Président Daulède ou encore le président de
Ségur ont-ils fait des émules. Par percolation géographique et sociale, les transfor¬
mations amorcées sur le terroir des uns gagnaient les propriétés des autres. Mais

10° Bordeaux, vignoble millénaire, op. cit., p. 46-47.

10 AD 33, 3E 5204, f° 706, 05/12/1644, acte.

11 AD 33, 3E 11745, f° 1180, 22/12/1651, contrat de transport.

"2 Rene Pijassou, op. cit., p. 344.

13 Laurent Coste, Mille avocats..., op. cit., p. 195.

M4 AD 33, 3E 5202, f° 38, 03/02/1642, contrat de vente de barriques.
15 AD 33, 3E 8654, f° 692, 09/11/1712, plainte pour malfacon.

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