OCR Output

nécessite en effet toute une infrastructure et des marchands. Les grandes familles
hongroises comme les Báthory, les Ihurzó et les Dobó, participent dés la fin du
XVT siecle, á la promotion des vins, mais aprés la guerre dindépendance de Fran¬
cois II Rákóczi, ils considérent gue cette situation ne correspond plus á leur statut
et ä leur rang. Ces grandes familles aristocratiques se mettent alors a vendre di¬
rectement leur récolte à des négociants étrangers et en particulier à des Grecs qui
revenaient dans leur pays fortune faite. Néanmoins, dès le début du XVII siècle,
elles se mettent à préférer les Polonais et les Ecossais™,

Par ailleurs, 4 partir du XVIII° siécle, on s’apercoit de la manne que représente
pour l’État, la vente du tokay ce qui permet in fine d’aboutir 4 des accords com¬
merciaux fructueux. Ainsi, en 1775, un acte de commerce entre l’Autriche et la
Pologne est révélateur de ce mode de fonctionnement. L'article III par exemple,
est spécialement dédié aux vins de Hongrie : l’impératrice favorise la vente des
vins hongrois en direction de son allié et la Pologne s'engage en contrepartie à
diminuer les taxes à l’entrée‘!. On remarque par contre, en ce qui concerne les vins
français et plus particulièrement le champagne, concurrent direct du tokay, que
Marie-Thérèse, en augmente les taxes et essaie de préserver ainsi le marché hon¬
grois. Selon Benoît Musset qui a étudié cet aspect pour le champagne, dès 1775,
les droits d'entrée sur les vins représentaient une taxation de 16 % pour parvenir
à 23 % sous Joseph IT et atteindre 60 % du prix de la bouteille sous François IL. Il
est évident que de telles mesures devaient limiter la diffusion des vins français à
l'Est et freiner du même coup la concurrence”. Aïnsi, le tokay pouvait s'affirmer
en Europe centrale et cela d’autant plus qu’il se conservait très bien.

Conservation et vieillissement

On a coutume de croire que les vins ne vieillissaient pas au XVIIT: siècle et se
conservaient mal, certains écrits concernant le tokay montrent tout le contraire.
Ainsi en 1773, le Docteur Gibelin nous apprend :
« Le vin de Tokay, tant l’Essence que l’Auspruch, se garde aussi longtemps
qu’on veut, et s'améliore en vieillissant. J'ai bu à Vienne, de l’Auspruch qui avait
été gardé dans le même cellier depuis 1686. Il n’est jamais bon avant qu’il ait
environ trois ans. »

Dans son Dictionnaire de la géographie commerçante, publiée en 1799, Jacques Peu¬

°° Iván Balassa, 70kay-Hegyalja. Szöleje &s bora, Tokay, Tokal-Hegyalja ÁGBorkombinát, 1991, p. 704.

1 Ibid., p. 271.

52 Benoit Musset, Vignobles de champagne et vins mousseux. Histoire d’un mariage de raison, 1650-1830, Paris,
Fayard, 2008, p. 599. Voir également, Marguerite Figeac-Monthus, « Tokay et Sauternes aux XVIII*¬
XIX* siécles. Une comparaison possible entre deux vignobles ? », in Histoire et Sociétés Rurales, n" 35 ? 17
semestre 2011, p. 142.

Gibelin (Docteur), Abrégé des transactions philosophiques de la Société royale de Londres, traduit de
l’Anglais, année 1773 2e partie « vin de Tokay », tome second, Paris, Buisson, p. 342.

53

27