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chet précise également qu’il faut attendre au moins trois ans avant de consommer
du tokay°*. Et ces observations sont confirmées au XIX' siècle :
« Le tokay se conserve plus de cent ans. Nous n'avons en France qu'un vin qui
‘approche pour la durée, c’est le château-châlons (Doubs). J'en ai bu qui avait
130 ans. Le cru est blanc-jaune, il est très alcoolique, circonstance qui lui per¬
met de vieillir”. »

N’avons-nous pas 1a la clé de la renommée des tokays ? À une époque, aux XVII: ¬
XVIII siècles, où l’on est obligé de consommer un vin dans l’année par peur qu’il
aigrisse, le tokay peut se conserver assez longtemps, il en devient donc, de ce fait,
un produit très apprécié.

La conservation obsède à l’époque moderne. Le texte de Théodore Fix, fils d’un
médecin suisse, passionné par l’économie politique, qui écrit en 1840, dans Le
Cultivateur, est à ce titre fort intéressant car il soulève, au sortir du XVIIT siècle,
toute une série d’interrogations :

« Les vases qui servent à la conservation de ces vins viennent principalement
des contrées boisées ; ils sont en chêne et liés avec des cercles de bois. Les vases
neufs sont échaudés avec de l’eau salée qu’on ne doit pas y laisser refroidir. Les
propriétaires qui soignent leurs vins, imprègnent les tonneaux de fumée de noix
muscade. On fait macérer ces noix dans de l'alcool, puis on suspend une de¬
mi-noix dans le tonneau, elle se consume dans l’intérieur du vase. Les futailles
en vieux chéne empéchent les vins de s’aigrir ; les tonneaux de chätaignier sont
préférables à tous les autres.

Le vin de liqueur de Tokay loin d’avoir besoin d’être ouillé, augmente plutôt le
volume dans les tonneaux. Voici comment cela peut s'expliquer. Le vin saturé
de sucre a une plus grande densité et ne peut par conséquent s’évaporer à travers
les douelles des tonneaux, et comme les progrès de la fermentation forment
toujours plus d’alcool qui, qen sa qualité de fluide élastique, dilate le vin, il est
évident que le volume de celui-ci doit augmenter. On peut laisser ce vin en vi¬
dange, dans une bouteille ou dans un autre vase, sans qu’il perde de sa qualité.
La mise en bouteille peut se faire immédiatement après la clarification ; il est
bon de faire cette opération au déclin de la lune, par un temps calme, et jamais
lors de la floraison des vignes.

Il y a peu de bonnes caves dans l’Hegy-Allya ; aussi la plupart des propriétaires
étrangers, de même que les spéculateurs et les acheteurs de vins nouveaux,
les amènent-ils, dès qu’ils ont cessé de fermenter, dans d’autres contrées. De
cette manière, il ne reste que fort peu de bons vins de Tokay entre les mains
de quelques riches propriétaires dont les caves sont meilleures. D’après cela on
conçoit facilement que la liqueur de Tokay, à Tokay même, ne se trouve qu'avec
de grandes difficultés.

On a a essayé de construire des vases de marbre pour la conservation de ces

4 Jacques Peuchet, Dictionnaire de la géographie commerçante, tome, 4°, Blanchon, Paris, 1799, p. 647.
5° François Ducuing, L'exposition universelle de 1867 illustrée, tome second, Paris, 1867, p. 46.

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