vins venus de Hongrie?. Ainsi, Panckoucke, en precisant qu’ils regardaient, en
matiére d’importation, plutét du cdté de la Hongrie, décrit des habitudes et des
modes de fonctionnement qui permettent de dégager une véritable géographie du
commerce. Francois Maximilien Ossolinski, secrétaire du roi Stanislaw-Auguste,
affirme dans la première moitié du XVIII* siécle, que la Hongrie est « la cave de
la Pologne 28. Dans tous les témoignages des voyageurs, le tokay reste la boisson
la plus prisée car elle a une forte teneur en alcool, son acheminement se faisait
plus rapidement et les riques d’avoir 4 la mauvaise saison une cargaison prise par
les glaces, mal conservée voire détruite, étaient plus limités**. Gaspard de Tende
de Hauteville explique très bien comment ces vins arrivent en Pologne : « par les
passages du mont Crapat (il faut entendre probablement Carpates), avec des bœufs
dans de grands tonneaux qui contiennent cinq ou six muids de France“ s. I1 souli¬
gne d’ailleurs à plusieurs reprises cet attrait pour le vin de Hongrie :
« Je ne parle point des vins, des eaux-de-vie, ni du sel qu'on y porte de France
et qui n’y vaut qu'un écu le muid ; parce que les Polonais n'aiment que le vin de
Hongrie ; qu’ils font de l’eau-de-vie avec du blé et qu’ils ont beaucoup de sel.
Ainsi les vins, les eaux-de-vie et le sel qui viennent de France, ne servent que
pour la Prusse seulement“? ».
Le passage des Carpates n’était pas facile car on y trouvait des soldats et des voleurs
qui pouvaient à tout moment mettre la main sur un convoi. Même si le transport
se faisait par voie terrestre, le coût du charroi en restait élevé“. Selon Henri En¬
jalbert, c’est probablement après la victoire de Jean Sobieski et de Charles de Lor¬
raine devant Vienne, que se produit le renouveau du tokay déjà connu et apprécié
au X V* siècle dans les villes de Galicie, mais en déclin depuis le XVI siècle. C’est
en effet au cours de ces combats en Hongrie contre les Ottomans que les nobles
polonais découvrent ce vin exceptionnel et y prennent goût‘. Ainsi, entreposés à
Cracovie ou Breslau, ils étaient ensuite vendus à une clientèle noble ou bourgeoise
de la campagne avoisinante.
Pour les voyageurs qui arrivent en Hongrie et cherchent à acheter et ramener
du tokay, rares sont ceux qui sont susceptibles de le faire, car « les propriétaires
n'ouvrent leurs caves que pour faire des ventes en gros“ » Ce type de commerce
2? Figeac-Monthus Marguerite « La place des vins français et hongrois sur le marché polonais du XVII: au
XIX‘ siecle » in Maciej Forycki , Agnieszka Jakuboszczak, Teresa Malinowska /es dynamiques du chan¬
gement dans l'Europe des Lumiéres, Poznan-Paris, Académie Polonaise des Sciences, 2018, p. 207-215.
® Charles Forster, L’Univers. Histoire et description de tous les peuples. Pologne, Paris, Firmint Didot frères,
1840, p. 214.
« vin » dans Panckoucke, Encyclopédie méthodique dédiée au commerce, Paris, 1784., p. 280.
Gaspard de Tende, Relation historique de la Pologne, contenant le pouvoir de ses rois, leur élection, & leur
couronnement, les privilèges de la noblesse, la religion, la justice, les mœurs & les inclinations des Polonais,
Paris, 1686, p. 136.
46 Ibid.
" Charles Forster, L'Univers. Histoire et description de tous les peuples, Pologne, Paris, 1840, p. 214.
8 H. & B. Henri Enjalbert, De /a vigne &ÿ du vin, Bordas / Paris, 1975, p. 54.
® Reichard, Guide des voyageurs en Allemagne, en Hongrie et à Constantinople, 8° édition, Weimer, 1817,
p. 458.