OCR
s 2. SZ. MELLÉKLET * une joie de la mémoire tout est remis en jeu, par une joie de la reconnaissance. En grec, le mot gráce est tout proche du mot joie : la Xapic est xapa. Une irrigation nouvelle. Une pluie qui lave, un retour a la vie : la musique attend ; la parole appelle ; tout vrai langage est au futur. Le temps est a l’envers. Nous venons de désoublier que le premier instant dure toujours. Je ne sais pas comment il sonne en hongrois, mais en français, le mot grâce est de ceux que l’on hésite à prononcer... La grâce, on l'attend sans dire son nom ; on l'appelle sans jamais la nommer. Je la relie à La joie. « A la musique. » A l’accord, aux sons en entière plénitude, au temps juste. Un accord juste avec le temps : comme si, dans les moments de grâce, toutes les choses visibles venaient devant nous naître pour la première fois, être face à nous, bien en face, comme arrimées au temps profond, ancrées au battement, à la battue, à la profondeur sans fin et à la mesure du temps vrai. Car il y a un temps vrai. C'est ce que l’art vient nous réapprendre, à nous, les enfants balbutiants. La grâce nous est parfois accordée et nous accorde au temps juste. Un temps accordé. Le temps juste est une donnée : c’est-à-dire qu’il nous est donné et que nous sommes offerts à lui. Au théâtre, avec patience, avec précision, il faut faire de chaque spectateur — et de chaque acteur — un animal qui s'ouvre. La grâce sur un spectacle est comme une pluie soudaine, comme quelque chose de la nature qui survient. Elle est observable comme des nuages qui passent, des tourbillons dans un lac. Le spectacle est un corps respiratoire créé par tous qui apparaît, un organisme respirant, un animal... Un jour cet animal se déploie : Les acteurs découvrent qu'ils ne l’avaient pas vu. Et soudain, ils comprennent tout. Et soudain les spectateurs se souviennent de la pièce. La grâce est une reconnaissance. Tu m'interroges, Enik6, sur le théâtre et le sacré. je te répondrais avec un peu d’impudeur mais au plus pres de l'expérience vivante de la scene, que ceux du plateau — acteurs, violonistes, danseurs, trapézistes lutteurs, dompteurs, chanteurs, acrobates de l’espace ou jongleurs de leur propore coprs — (même et surtout s’ils n’en parlent pas) — attendent l'aide inhumaine, l'aide non-humaine ; l'aide de Dieu. Ils le font totale+ 237 +