Ce sont ces doctrines qui viennent de se produire timidement a Liége
en regard de l’imposante manifestation socialiste. Une colonne de dix
mille hommes a parcouru les rues dans Le plus grand ordre, sans se livrer
à aucune violence et sans refuser même les marques de respect aux prêtres
qu'ils rencontraient. Les ouvriers ont donné là une preuve de leur puissance
actuelle ; ils sont une armée, parce qu'ils sont une force organisée, et une église
parce qu'ils ont une doctrine, leur puissance intellectuelle étonne et effraye
aujourd’hui beaucoup d’esprits et dans leurs erreurs on ne peut s'empêcher de
reconnaître une part de vérité. Bossuet” l’a dit : « L'erreur est une vérité dont
on abuse. » Le socialisme contient des idées religieuses défigurées ; c’est un
bloc erratique détaché de la vérité et qui peut y être ramené. L'Église comme
elle s’est portée au devant du barbare pour en faire les sociétés chrétiennes se
portera au devant des générations qui l'ont oubliée et qui n’en sont pas moins
ses enfants. Elle n’a rien à craindre, le péril est pour la société ; Fénélonf disait
il y a deux siècles : « Il viendra un temps où les hommes manqueront plus de
raison que de religion. » C’est le motif du mouvement que le Saint Père cherche
à imprimer aux études philosophiques. A Liège, en face des illusionnés et des
doctrinaires, en face de la grande et radicale manifestation des socialistes,
les catholiques se réunissaient dans un imposant congrès. La lutte est entre
l'Église et la négation rationaliste, entre ceux qui acceptent et qui nient le
christianisme, véritable inventeur des libertés populaires et consécrateur de
l'autorité politique. Nos études doivent se faire à la clarté des enseignements
théologiques et des encycliques. Une des questions qui doivent en faire l’objet,
c'est la question de l’argent. La question de l’usure est peut-être la base de
toute la question sociale. Cette question, encore discutée par les théologiens,
n’est pas périmée devant l’Église dont il ne faut pas prendre la tolérance pour
une acceptation de l’ordre des choses actuel.
Il faut donc se mettre activement au travail sans craindre trop parfois les
témérités qui sont nécessaires pour faire une trouée dans les préjugés. Duc
in altum. Il faut travailler à l'étude de la théologie et du droit naturel ; c’est la
connaissance de ces deux sciences qui manque au monde et expose les hommes
à souffrir alternativement du despotisme d’en haut et du despotisme d’en bas ;
l’idée de la légalité césarienne est encore au fond de beaucoup d’esprits. Les
catholiques doivent se mettre à l'oeuvre sous l'inspiration de l'amour et avec
l'Église pour garde-fou de leurs dévouements avec la Vérité et la grâce pour
guides.
Le Marquis de la Tour-du-Pin, secrétaire du Conseil présente son rapport
sur le recrutement de l’Union pendant l’année écoulée.