conquis les droits d’un étre juridique, et d’avoir pu se transformer librement
en personne morale, sous le nom de société anonyme.
Lexistence simultanée de ces deux formes d’association contraires est¬
elle possible? Beaucoup ne le croient pas. La société de capitaux n’a d’autre
but que la productivité du capital qui lui est confié : elle fait disparaitre le
patronat en investissant de sa dignité et de sa mission des hommes étrangers
à sa profession, représentant exclusivement les intérêts des actionnaires. Elle
ne peut donc trouver place dans l’organisation corporative que nous avons
étudiée.
Et cependant, dit-on, vous ne pouvez arrêter cette concentration des forces
qui se décuplent en s’unissant ; la production privée disparait ; la production
sociale s'impose, car elle multiplie les produits au prix de moins de labeur et
de dépenses.
Ne vous mettez pas en travers d’une loi aussi évidente. La difficulté n’est
vraiment qu’apparente et la solution du problème se trouve dans l’organisation
corporative elle-même.
Pourquoi, en effet, ne remplacerait-elle pas la société anonyme? S'il faut
désormais que la propriété de l'outillage mécanique appartienne à une
collectivité, à une association, à une société, pourquoi donc ne serait-ce pas à
l'association des hommes qui mettent en oeuvre ces instruments de leur travail,
plutôt qu’a [sic] une association de capitaux. Ne serait-ce pas au contraire tout
naturel. Les objections cependant abondent ; on craint que les corps industriels
n'ayant pas les fonds de roulement nécessaires à l’exploitation soient forcés
de recouvrir au Crédit et qu’ainsi la propriété de ces instruments de travail
leur échappe pour retourner au capital. Cette crainte est facile à dissiper : il
suffirait de faire entrer cette propriété dans le patrimoine corporatif et de la
déclarer au même titre inaliénable et insaisissable.
Quoiqu'il en soit, cette question est encore trop neuve pour n'avoir pas
besoin d’être approfondie.
Il n'était cependant pas possible de la laisser de côté lorsqu'il s’agit
d'organisation corporative de l’industrie, étant donné d’une part que la
corporation industrielle ne peut se constituer si la société anonyme fait
disparaître le patronat et d'autre part que l'appropriation collective des
instruments du travail est un fait constant que rien ne peut arrêter.
Nous aurons pu d’ailleurs entrevoir en passant que le Régime corporatif
pourrait peut-être ainsi réaliser une aspiration qui se traduit par la formule
« l'outil à l’ouvrier » à condition d'entendre ce mot dans le sens le plus étendu
et le plus complet, c. à-dire [sic] l’appliquant aussi bien au patron qu'aux
ingénieurs, aux contremaîtres, en un mot à tous ceux qui le mettent en oeuvre.