L’annee 1884 est décisive pour les catholiques sociaux de l’Europe, pour
plusieurs raisons. D’une part, le Cercle romain est arrivé à son terme.
Mgr Jacobini est devenu en 1882 préfet de la Congrégation de la Propagation
de la Foi tandis que le vicaire apostolique de Genève en exil, Gaspard
Mermillod est nommé évêque de Lausanne et de Genève, avec le siège à
Fribourg. Le talentueux organisateur, orateur renommé et homme fort des
affaires sociales commença la mise en place de l’organisation internationale
tant souhaitée par les laïcs, sous l'égide du Saint-Siège.
C’est aussi une prise de position semi-officielle. Les hommes rassemblés
sont choisis pour l’homogénéité de leurs opinions politiques, économiques
et sociales. A part quelques erreurs, le groupe se constitue en un bloc, les
travaux commencent, la stabilité de l'association est assurée. Les catholiques
manifestement libéraux, comme Charles Périn, ou encore les représentants
de l’école dite « d'Angers » de Mgr Freppel, sont mis à l'écart. Une méfiance
envers les sympathisants de la cause du socialisme quoique chrétien paraît
justifiable également. Ce ne seront que les représentants d’un catholicisme
social conservateur, de préférence patriarcal, de tendances corporatistes, de
souches aristocratiques qui formeront l'élite de ce groupe, désormais appelé
« Union catholique des études sociales et économiques ».
Les membres avaient vocation à formuler l'opinion de l’Église catholique, et
ils se sont prononcés en faveur d’études approfondies, traitant les questions
de l’économie capitaliste de l’époque. C'était la première fois dans l’histoire
de l’Église qu’un groupe d’intellectuels majoritairement composé de laïcs
préparait les thèses d’une future encyclique. En 1884, ils n’en sont pas
conscients, mais ils croient que les études qu'ils vont préparer, serviront pour
lumière à l’Église cherchant la voie dans les ténèbres.
C'est aussi l’année du retard. En France, la restauration de la Monarchie des
Bourbons s'écroule par la mort du comte de Chambord, les cercles monarchistes
sont dissous par les organisateurs. Le tocsin de la monarchie a sonné pour les
Orléanais aussi, et l'instauration de la République est un fait accompli. C’est
aussi l’époque de la montée de l’anticléricalisme et du nationalisme galopant,
de la préparation du Ralliement, le développement rapide du mouvement
ouvrier non catholique, grâce à la loi du 21 Mars 1884 sur les syndicats.
En Allemagne, la loi sur l'assurance en cas d'accident est votée et l'ombre du
prétendu « socialisme d'état » pèse sur les catholiques allemands. L'Empire de
Guillaume I‘ a établi, outre les institutions d’Etat discutées par les catholiques,