l'identité canadienne se définit par rapport à la peur de la nature. En s’y inspi¬
rant, Margaret Atwood a développé l’idée de Frye en y ajoutant la notion de la
survivance. Selon elle, la sensibilité canadienne se définit par rapport au statut
de victime qui doit lutter contre cet état et contre les conditions hostiles de la
nature (Atwood 32).
Dans notre article, nous analyserons la spatialité de ces œuvres liée à l’aban¬
don, l'isolement, l'écart, l'angoisse, et au sentiment de menace pour en juger
de sa spatialité (post-)apocalyptique a travers l’optique de la littérature québé¬
coise et de ses spécificités. Nous les étudierons en lien avec le theme de la
solitude a travers les relations entre les personnages et le rapport entre la nature
et l’homme.
Celui qui nous raconte l’histoire d’une voix anonyme, mécanicien comme son
père, a fini sa quête du bonheur dans une raffinerie de l'Ouest du pays où il est
asservi à une corvée monotone. Tandis que le monde dépourvu d'électricité
semble s'être arrêté de tourner, la panne le force à venir au secours de son père
à l’autre bout du pays. Grièvement blessé lors de son arrivée lors d’un accident
de voiture, où il tue malheureusement son père, il est obligée de passer l'hiver
dans une cabane au-dessus du village avec un homme qui le soigne. Néanmoins,
le printemps arrivé, le protagoniste quitte son village natal et il décide de
rejoindre sa famille dans les bois.
Cette traversée nous fait penser au roman La route de Cormac McCarthy,
auquel Le fil des kilomètres est d’ailleurs comparé dès sa parution (Grenier).
Là, un père anonyme essai de gagner le Sud ensemble avec son fils après une
apocalypse d’origine indéterminée.
Comme tous les récits qui prennent pour thème le retour à la maison après
une longue absence, celui-ci nous évoque aussi leur modèle éternel: L'Odyssée
d'Homère. Sa quête du bonheur échouée, vaincu par ses combats intérieurs,
le narrateur décide d'entamer son odyssée après dix ans de ses errances. Comme
Ulysse, lui aussi a hâte de revoir son lthaque natale pour s'assurer que son père
est sain et vif et pour protéger sa survie.
Par le biais de ceci, ce roman s'inscrit dans la veine de la tradition nord¬
américaine des romans de route. Comme tel, le roman de route peut être
saisi en tant qu'un héritage de l'époque des explorateurs et Le fil des kilomètres
est aussi un récit d'exploration: l'exploration de l’âme du narrateur. Dans le cas
de ce roman, il s’agit d’un type d'exploration vouée à l'échec où le héros trouve,
ici presque, sa mort. Comme dans une tragédie, il est puni pour avoir lutté
contre son sort et pour avoir quitté la garnison de son village paternel.