Mariann Körmendy
Exilé du temps, prisonnier de l’espace
Analyse linguistigue d’un extrait de Vendredi ou les limbes du Pacifique
de Michel Tournier
Dans cette communication, nous nous proposons d’examiner un passage de
Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier. Nous tenterons de
montrer comment l’auteur manipule la temporalité du passage analysé de façon
à faire « perdre le temps », non seulement à Robinson, son héros mais aussi aux
lecteurs que nous sommes.
«Milieu indéfini où paraissent se dérouler irréversiblement les existences
dans leur changement, les événements et les phénomènes dans leur succes¬
sion» — ainsi commence la définition que le Petit Robert donne du temps.
Nous n’aborderons pas ici les différentes acceptions du temps — physique,
psychologique ou linguistique — ni leurs caractéristiques respectives qui font
qu'ils ne correspondent pas les uns aux autres dans la plupart des cas. Nous nous
limiterons ici à proposer une analyse linguistique de la temporalité d’un récit
concret, issu des premiers chapitres de Vendredi ou les limbes du Pacifique de
Michel Tournier’. Nous espérons pouvoir montrer les aspects linguistiques du
texte pour comprendre par quels procédés l’auteur obtient que son héros perde
progressivement la maîtrise du temps, et par quels trucages linguistiques le
lecteur accompagne le héros sur ce chemin difficile. Nous pensons qu'examiner
cet ensemble d'outils peut se révéler pertinent pour mieux comprendre le voyage
de Robinson.
Le passage traité correspond aux trois premiers chapitres du roman. Robinson,
seul survivant du naufrage, se retrouve seul sur une île déserte, éloignée des
passages, voire introuvable sur la carte et il passe par plusieurs états successifs
qui le conduisent tout droit à la folie. En effet, ces premiers chapitres racontent
1 Sous la direction d'A. Rey, J. Rey-Debove, (dir.) : Le Petit Robert. Paris, Les Dictionnaires Robert,
1991. p. 1938-1939.
? Michel Tournier, Vendredi ou les limbes du Pacifique. Paris, Folio, Gallimard, 1972, p. 15-45.