au discours vrai de la démonstration, au lógos. Dans un beau texte du cycle
Zeuxis intitulé « Celle qui inventa la peinture » nous lisons:
« Quant à la fille du potier de Corinthe, elle a depuis longtemps abandonné
le projet d'achever de tracer du doigt sur le mur le contour de l’ombre de son
amant. [...] « Non, je ne te préférerai pas l’image, dit-elle. Je ne te livrerai pas
en image aux remous de fumée qui s'accumulent autour de nous. Tu ne seras
pas la grappe de fruits que vainement se disputent les oiseaux qu’on nomme
l'oubli? »
Dans le Cantique spirituel de Jean de la Croix, qui rejoint la tradition biblique
du Cantique des cantiques, la relation entre l’âme et le Vrai c’est la relation de
l’Aimée avec l’Aimé. L'œuvre d'Yves Bonnefoy est en quête de ce logés amoureux
souhaitant et appelant une apparition”.
Malgré certains points communs incontestables entre les œuvres de Weil et
celles de Bonnefoy, comme par exemple les références dans les deux œuvres à
Mallarmé comme figure-clé de la poésie, ainsi qu’à l'Italie comme notion-clé de
l'art, les résultats de la quête entreprise par les deux penseurs-artistes divergent,
et l’histoire de la corde et du naufragé chez Simone Weil, ainsi que le récit des
« Planches courbes » de Bonnefoy témoignent bien de cette différence. Comme
le néoplatonicien, Simone Weil a déposé son espoir dans la nature des références
à un au-delà des images, au sein de l’intemporalité de la grâce. La poésie d'Yves
Bonnefoy se fonde sur la vérité ontologique de la finitude athéologique, pour
reprendre l'adjectif de Patrick Née’, parce que ce qui est en creux ici (a-théolo¬
gie), c’est un dieu lointain qui ne s’est pas retiré qu’à deux pas, et dont l’épipha¬
nie est le simple, selon le texte de LArriere-pays?”. Nous savons bien qu’il se fa¬
miliarise très tôt avec la métaphysique et avec le voisinage qu’elle entretient avec
la théologie. Aussi propose-t-il de substituer à l’usage du terme théologie celui
de « l’ontophanie de la terre » qui révélerait au sein de notre visible terrestre un
«temple où l’autel est vide », et dont les « piliers » — renonçant aux rêveries de
l’immortalité — seraient la temporalité.
? Yves Bonnefoy, La Vie errante. ed. cit., p. 78.
V. le tableau intitulé « Appel» de Miklos Bokor.
PatrickNee, Yves Bonnefoy, penseur de l'image ou les Travaux de Zeuxis. Editions Gallimard, 2006,
p. 184-185.
27 Op. cit., p. 21.