RAPPORT DE L'INFINI À LA FINITUDE DANS L'ACTE CONTEMPLATIF
Yves Bonnefoy face à la finitude
Pour Yves Bonnefoy, poète français contemporain, Rome, l'Italie représentent
une image de l’art illimité dans son livre de prose intitulé L’Arriére-pays. C’est
un récit critique de rêveries que l’art d'Italie avait provoqué en lui au temps de
ses découvertes, une sorte de curriculum vitae d’un haut niveau intellectuel, une
quête de l’éden perdu, non pas dans le néant, dans l’autre-monde de notre fan¬
taisie, mais bien ici, dans le temps et dans le corps, dans la réalité sublimée par
la vision humaine. Selon lui, l’art fait renaître sans cesse la terre, c’est ainsi que
ressuscite le paradis perdu, l'arrière-pays comme il le nomme. L'idée de Claudel,
selon laquelle la poésie est co-naissance avec les choses, fait écho à celle de
Bonnefoy sur la force d’incarnation de l’art dont il parle dans La présence et
l’image et dans L'Arrière-pays où la tromperie des images est toujours visée.
Voici un extrait des notes écrites à l’occasion de la parution du livre L'Arrière¬
pays en italien:
« Quant à moi ? Que dois-je à cette leçon ? Nullement une véritable maturation,
ni en ces années de L’Arriére-pays ni plus tard. Je sens bien que, le compas et
la régle en main, j’hésite encore. Je sais bien que la poésie, c’est de dégager des
constructions de soi que sont les œuvres, de faire de celles-ci la flamme qui les
consume, d’aimer d’abord et surtout la lumière de cette flamme: mais cette
certitude n’est qu'une route où indéfiniment je me trouve au point de départ,
les yeux sur un certain chemin que je vois s’en détacher sur la gauche, dans déjà
des ombres nocturnes: ce chemin qui repasserait, si je le suivais, par ces mille
lieux décevants qui semblent se donner pour des seuils de quelque arrière-pays'. »
Ces images du seuil, du leurre du seuil, présentes tout au long de l’œuvre d'Yves
Bonnefoy, s’entrevoient dans l’espace du rêve et de la rêverie, « où, arrêté, on avance,
où déjà on sait ce que pourtant on ignore — et ou on feint de braver une « mysté¬
rieuse frontière » parce qu’en fait on veut échapper à l'évidence d’une autre, celle
qu'impose à l'esprit le savoir de la finitude!”. » Ou, au début du livre il reformule
autrement: «je suis en paix avec cette langue, mon dieu lointain ne s’est retiré
qu’à deux pas, son épiphanie est le simple: tout de même que la vraie vie soit là¬
bas, dans cet ailleurs insituable, cela suffit pour qu'ici prenne l'aspect d’un désert. »
La poésie pour Yves Bonnefoy est «un état naissant de la plénitude impos¬
sible” », où le surnaturel, à des moments heureux, fait irruption jusque dans la
16 Yves Bonnefoy, Larriére-pays. Paris, Poésie/Gallimard, 2005, p. 173.
17 Ibidem, p. 125-126.
18 Ibidem, p. 21.
1% Expression de Jean-Michel Maulpoix (http ://www.maulpoix.net/Oeuvre%20de%20Bonnefoy.htm).