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RAPPORT DE L'INFINI À LA FINITUDE DANS L'ACTE CONTEMPLATIF

l'écoulement du temps sans revenir sur les modalités du processus, mais d’autre
part, il est tout aussi possible, par un certain type d'action méthodique, d’iden¬
tifier et de dévoiler l'éternité dans le temps. Si la mort est un passage dans l’éter¬
nité, il est nécessaire qu’il y ait quelque chose d’eternel dans la vie, selon le plan
qui fait référence au premier vers du Tombeau d'Edgar Poe: « Tel qu'en lui-même
l'éternité le change“.» La deuxième citation de Mallarmé traitée par Simone
Weil se trouve aussi dans une note de cours consacrée à l’attention en rap¬
port avec l'écriture: la puissance du papier blanc consiste en ce qu’il écarte les
termes imprécis, les associations mécaniques, l'imagination et se défend aussi
de penser : « le vide papier que sa blancheur défend » (le vers de « Brise marine»
exact est: « Sur le vide papier que la blancheur défend. »). La troisième occurrence
se trouve dans les Cahiers où Simone Weil fait référence à la sixième églogue de
Virgile: «Symbole de Pan (Adyoc) surpris dans son sommeil par les bergers,
enchaîné, et achetant la liberté par un poème. C'est la notion mallarméenne de
la poésie®. » Or, Pan, dieu de la totalité, de la Nature tout entière au cœur de la
tradition orphique, figure du Jogos pour Simone Weil dans les Intuitions pré-chré¬
tiennes, n'est pas le poète de la sixième églogue qui est d’ailleurs intitulée comme
chant de Siléne. (Siléne est le fils de Pan ou d’Hermés, précepteur de Dionysos,
qui est à son tour « débordement », et selon Simone Weil une image du Christ’).
Silène compose le poème pour sa délivrance d’où l'association de Pan (/ogos) ou
Silène avec le Christ. Elle va même plus loin : « l'usage de la lune comme symbole
du Fils convient d’autant mieux que la lune subit une diminution, une dispari¬
tion, puis renaît ; ainsi elle convient aussi comme symbole de la Passion®. » La lyre
d’Apollon rappelle par sa forme le croissant lunaire, ainsi que la corne. «Pan lui
aussi est un dieu cornu. Son nom veut dire tout. Platon nomme sans cesse l’Âme
du Monde le tout et il dit dans le Cratyle que Pan est le logos®.» Tout ce qui a
rapport à la lune, à la sève végétale symbolise le Verbe, selon la présupposition de
Simone Weil. Dans la lecture de Simone Weil, le poème mallarméen est délivrance,
purification de l’imagination, en allant plus loin dans la logique de Simone Weil,
il est Passion en tant que création. Par le logos, l'Esprit entre dans le sensible. Le
poème crée désormais un point suspendu, l'éternité s’entrevoit dans le temps vécu.

+ Simone Weil, Oeuvres complètes I. Premiers écrits philosophique. Paris, Gallimard, p. 337.

5 Ibidem, p. 391.

$ Idem, Œuvres complètes VL4. Cahiers (juillet 1942 — juillet 1943). La connaissance surnaturelle (Cahiers
de New York et de Londres). Paris, Gallimard, p. 409.

7” V. liste des images du Christ in Idem, Oeuvres complètes VL3. Cahiers (février 1942 — juin 1942). Paris,
Gallimard, p.224.

8 Idem, Intuitions pré-chrétiennes. éd. cit., p. 88.

° Ibidem, p. 89.

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