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LES INTER-TEXTES AUX FRONTIERES DELA PEINTURE;LA POETIQUE VISUELLE DE SIMON HANTAI

de couleur sur des bouts de toile jusqu’a ce que ces écritures superposées
aboutissent a un texte visible mais illisible.

Les deux techniques, le pliage et «la copie », qui représentent le mieux la
«spécificité » de la peinture de Hantaï ,avait été élaborées auparavant ainsi que
leurs variantes. Nous allons aborder cette dernière technique, dite « de la peinture¬
copie » en étudiant les tableaux l’Opus Magnum, la Peinture et l’Écriture Rose.

Ecriture Rose

Entre 1958 et 1959, l’Ecriture Rose, un tableau de plus de 3 x 4 mètres de dimen¬
sion, a été réalisé en 365 jours. Hantaï a recopié, chaque jour à la même heure,
à l'encre de couleur noire, violette, rouge et verte, des textes de Goethe, de Hô¬
derlin, de Kierkegaard, de Freud, d’Heidegger et de la Bible. Cet acte de « médi¬
tation en recopiant » qui s’est déroulé de l’Avent à l’Avent, a abouti, sans utiliser
de rose, à la naissance d’une surface rosâtre, abstraite, sur laquelle Hantaï a peint
quelques signes énigmatiques (croix grecque, étoile), des chiffres et des tâches
de couleur.

Observé de loin, le tableau est comme un palimpseste, les textes superposés
apparaissent comme une surface rythmique, régulière, évoquant l'acte de l'écriture
sur une image pixelisée; mais regardé de près, même si certains mots sont
déchiffrables, seules les traces d’écritures incompréhensibles, superposées et en
couleur, sont visibles.

Étant donné l’image, il n’est pas surprenant que les penseurs se consacrant à
la «trace », à «l'empreinte », «à laisser une trace » et «au toucher » - Derrida,
Huberman, Nancy - aient fait un accueil enthousiaste à ce tableau, ainsi qu’en
général à la peinture de Hantaï. C’est à ce tableau que Didi-Huberman consacre
un livre à part entière, intitulé Étoilement® en 1997, un tableau qu'Hélène Cixous
commente également dans son livre Le tablier de Simon Hantaï® en 2005.

Didi-Huberman, dans son livre intitulé l’Etoilement, combine le mot étoile
et toile et ajoute «-ment» désignant l’activité sur la toile. Il y qualifie Hantaï
d’ascète, de maître zen, de « suicidaire » de la société de consommation, qui, d’un
geste « moderniste désuet », à l'instar de l'artiste du Chef d'œuvre inconnu de
Balzac, découvre, grâce au retrait, au silence rétinien, aux exercices spirituels

° Georges Didi-Huberman, LEtoilement. Conversation avec Hantai. Paris, Les Editions de Minuit,

1998.
10 Helene Cixous, Le Tablier de Simon Hantai. Paris, Galilée, 2005., Didi- Huberman, op.cit. 1998.,
pp. 10., 13., 15.

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