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ÉvA MARTONYI

monument de mémoire personnel dont les réminiscences se retrouvent partout
dans son ceuvre de romancier.

Tous ces auteurs se distinguent par la pratique du genre, nommée couramment
récit viatique. Les publications sont aussi nombreuses que les travaux critiques
réalisés sur les textes en question. Nous nous sommes contentés de n’en
mentionner que quelques exemples, en présentant cette liste loin d’étre exhaustive,
des recueils non seulement publiés et republiés, mais aussi bel et bien reconnus
par le canon littéraire du passé et du présent.

A ce point, je me permets de m’attarder plus longuement sur le Voyage en
Espagne de Théophile Gautier“. Ce livre, publié en 1843, comprend plusieurs
textes rédigés et envoyés aux différentes revues de l’époque. Il ne s’agit donc pas
d’une promenade sans but, au contraire, l'écrivain entreprend le voyage en ayant
une idée bien précise, primo: la publication dans une revue d’un texte spécialement
composé à l'usage du public, et secundo : obtenir la rémunération qui doit suivre
la publication.

El correo real, les galères, que nous connaissons aujourd’hui dans le Voyage
en Espagne, sous le chapitre VI, fut publié la première fois dans la Presse du 21
août 1841, sous le titre Sur les chemins / Lettres d’un feuilletoniste". Or, ce
compte rendu d’un épisode nous réserve quelques surprises. L'auteur présente,
comme il le fait si souvent, les conditions du voyage, des moyens de transport
parfois peu confortables pour atteindre son but, en l'occurrence Madrid. Il a
l'intention d'assister à une corrida. Pour y arriver, il lui faut traverser les montagnes.
Arrivé au sommet, Gautier, s’arrêtant pour admirer l’horizon, ne se fige pas dans
une position d’immobilité. Au contraire, il ne cesse pas de bouger.

« J'étais réellement enivré de cet air vif et pur ; je me sentais si léger, si joyeux
et si plein d'enthousiasme, que je poussais des cris et faisais des cabrioles
comme un jeune chevreau; j'éprouvais l'envie de me jeter la tête la première
dans tous ces charmants précipices si azurés, si vaporeux, si veloutés ; j'aurais
voulu me faire rouler par les cascades, tremper mes pieds dans toutes les
sources, prendre une feuille à chaque pin, me vautrer dans la neige étincelante,
me mêler à toute cette nature, et me fondre comme un atome dans cette
immensité!f, »

L'évocation du paysage abonde en descriptions de mouvements.

4 Pour les citations v. Théophile Gautier, Voyage en Espagne. Paris, Garnier-Flammarion, 1981.
15 Théophile Gautier, op. cit., p. 418.
16 Ibidem, p. 123.

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