Philippe Antoine, dans son ouvrage intitulé Quand le voyage devient promenade.
Écritures du voyage au temps du romantisme", se penche sur une forme spéci¬
fique du récit viatique, allant de Chateaubriand à Flaubert. D’après lui, cette
forme de récit se distingue du récit de voyage habituel par une attitude par¬
ticulière: «laisser sa plume vagabonder au gré des surprises de l'itinéraire. »
L'auteur en conclut que l’inutilité serait la seule « raison d’être » de cette entre¬
prise, mais ce nouvel art de voyager qui s’appuie sur la subjectivité et la sensi¬
bilité et même sur une disponibilité, sur une ouverture d’esprit, connaîtra un
très grand succès. Grâce à cette attitude, le promeneur, à partir du début du 19°
siècle, est moins motivé par l'atteinte d’un but déterminé que par la perspective
d’être ouvert au monde, d’être attentif et disponible. « La nouvelle allure donnée
au récit viatique s’accommode de l'absence de but précis donné au voyage. »
Selon l’auteur : «abandonné à sa Muse pédestre [...] le voyageur se révèle par le
zig-zag, oscillant toujours entre fiction et vérité, condition de voyageur et condi¬
tion d'écrivain".»
C’est justement l’oscillation permanente entre fiction et vérité qui rend les
récits de voyage des grands auteurs du 19° siècle si saisissants. Momentanément,
nous ne nous posons pas la question du caractère littéraire de ces textes, d’après
le terme technique de la littérarité, nous nous proposons plutôt de les accepter
tout simplement comme faisant partie des œuvres de ces écrivains. Voici
l'évocation de quelques titres : Promenades dans Rome de Stendhal, publiées en
1829. L'œuvre de Stendhal est une sorte de guide pour le voyageur, composé de
petits textes datés au jour le jour, sous forme de journal. Mais les Lettres d’Espagne
(1831-1832) de Mérimée, ou Voyage en Orient de Nerval (1851) peuvent également
être mentionnés à titre d'exemple. Le voyage en Égypte de Flaubert occupe une
place particulière dans l’œuvre flaubertienne, car il y raconte son voyage effectué
en 1851; le texte intégral ne sera édité qu’à titre posthume en 1991. C’est un