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ANIKÓ ÁDÁM

contemplation de la nature, gui améne le poéte á entrer en harmonie non pas
seulement avec l’univers naturel, comme chez Rousseau, mais également avec le
monde humain.

Selon cette conception, l'Histoire n’évolue plus de façon linéaire, semblable
au fleuve élancé dans une direction déterminée, mais au contraire se ramifie
comme la vie se déployant continûment en mouvements et variations incessantes,
ainsi que l’univers et l’évolution des étoiles. C’est une image organique, déployée
dans le Génie du christianisme, où tout se développe autour d’un centre:

« [...] les décorations du monde, ne sont pourtant successives qu’en apparence,
et sont permanentes en réalité. La scéne qui s’efface pour nous, se colore pour
un autre peuple; ce n’est pas le spectacle, c’est le spectateur qui change. Ain¬
si Dieu a su réunir dans son ouvrage la durée absolue et la durée progressive:
la première est placée dans le temps, la seconde dans 1’étendue [...]'. »

Ici le temps se montre à nous sous un rapport nouveau; la moindre de ses
fractions devient un tout complet, qui comprend tout, et dans lequel toute chose
se modifie, depuis la mort d’un insecte jusqu’à la naissance d’un monde : chaque
minute en soi est une petite éternité.

Cette conception déterminera la technique descriptive de Chateaubriand
dans ses textes, en particulier dans ses romans. L'écrivain jette son regard du
haut d’une insondable cime et contemple la nature d’une manière concentrique,
horizontale et verticale à la fois. Trouver un sens dans la nature signifie pour lui
la concevoir comme un ensemble de systèmes. D’après lui, c’est cette contemplation
systématique de la nature qui offre à l’homme le sentiment de la présence divine.

« Nourris par la religion, entre la terre et le firmament, sur ces roches escar¬
pées, c’est 1a que de pieux Solitaires prennent leur vol vers le ciel comme des
aigles de la montagne’. »

« Mais cette maniére d’argumenter, bonne au dix-septiéme siécle, lorsque le
fond n'était point contesté, ne valait plus rien de nos jours. Il fallait prendre
la route contraire : passer de l'effet à la cause, ne pas prouver que le christia¬
nisme est excellent parce qu’il vient de Dieu, mais qu'il vient de Dieu parce
qu’il est excellent’. »

1 Chateaubriand, Essai sur les Révolutions, (Essai), Génie du christianisme, (Génie). Gallimard,
Pléiade, Paris, 1978, I, V, IL, p. 559. (Toutes les citations de la présente étude sont tirées de cette même
édition.)

2 Ibidem, p. 875.

3 Génie, I, L I, p. 469.

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