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Anikó Ádám Éternité et infini - la contemplation chez Chateaubriand Le grand piège de la philosophie romantique c’est qu’il conçoit l'univers physique et métaphysique comme une sphère esthétiquement harmonieuse où tout est en relation organique avec tout. Mais la sphère se referme sur l’individu qui y flâne, alors il n’a plus d’issues. De l'extérieur, l’image est passionnante, mais à l’intérieur ces analogies sont angoissantes et déstabilisantes. L'homme y devient rien, la nature devient tout. Nos réflexions s’efforceront de mettre en lumière cette caractéristique de la vision spatiale du romantisme (en l'occurrence français) tout en nous référant aux écrits de Chateaubriand, en premier lieu au Génie du christianisme. Disciple des Lumières, notre poète reçoit un enseignement en philosophie de la nature sur l'échelle des êtres, sur les mouvements de l’univers, qui déterminera sa vision spatiale. Sa vision mécanique de l’espace, héritée de ses «contemporains » du 18° siècle fonde sa poétique, « la poétique de l’espace » élaborée dans ses textes. Cette poétique est caractérisée par la contemplation d’une immensité métaphysique et d’une immensité intime à la fois. Cette poétique déclenche aussi l'apparition des figures spatiales dans ses textes; celles de l’eau (du dehors), celles de la pierre (du dedans), celles de l'arbre et de la forêt (à la fois le dehors et le dedans). Ces figures s’interpénètrent dans la poétique de notre auteur et à travers le double jeu du naturel et de l’artificiel, les images de la nature s'élaborent autour de l'architecture divine et humaine. Ainsi se forme une poétique de la spatialisation du temps que nous retrouvons à différents niveaux de la structure des écrits de l'écrivain : au niveau de la thématique, de la philosophie, de l'esthétique, des genres cultivés, du style, de la syntaxe, des images, etc. Nous visons donc à dévoiler la logique des écarts et de la transformation des éléments de base à l’œuvre dans l'esthétique de l’auteur, par rapport au système de pensée des Lumières. Les éléments essentiels de la pensée de Rousseau (la nature, la solitude) prennent un nouvel élan dans les réflexions de Chateaubriand et s’orientent quasiment dans la direction opposée. L’attitude de l’isolement se transforme en « 95 «