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TAMÁS PAVLOVITS

contemplation pascalienne est une anti-contemplation. En revanche, la forme
syntaxique de la phrase suggere quelle a une signification plus complexe. Elle
ne se réduit pas a la constatation d’un fait négatif en disant que la contemplation
de la nature infinie ne conduit guère a Dieu, mais affirme quelque chose de po¬
sitif, à savoir que l'échec de l’imagination dans la contemplation est le caractère
sensible de la toute-puissance de Dieu. Afin de comprendre cette affirmation,
nous devons revenir à l'examen de l'imagination.

L’imagination et le sacré

La question est de savoir si l'imagination peut fonder un rapport authentique au
surnaturel selon Pascal. Dans deux autres fragments des Pensées, il aborde cette
question, notamment dans les fragments 432 et 551. Dans les deux cas, il s’agit
de la capacité de l'imagination à agrandir ou à amoindrir les choses sans peine.
Cette capacité concerne le rapport naturel de l’homme à Dieu. « L'imagination
grossit Les petits objets jusqu’à en remplir notre âme par une estimation fantasque,
et par une insolence téméraire elle amoindrit les grands jusqu’à sa mesure, comme
en parlant de Dieu » — écrit Pascal dans le fragment 551. En grandissant et en
amoindrissant les objets l'imagination relie des distances immenses. Néanmoins
quand elle s'applique au divin, elle commet une faute inexcusable. Ne pouvant
représenter Dieu qu’à partir des choses naturelles et finies, elle réduit le divin à
la mesure de l'humain et supprime la rupture radicale entre le naturel et le sur¬
naturel. Par conséquent il est illusoire de fonder notre rapport au divin sur
l’activité de l'imagination. Dans le fragment 432, il s’agit de la même faute à
propos du temps et de l'éternité. « Notre imagination nous grossit si fort le temps
présent à force d’y faire des réflexions continuelles, et amoindrit tellement l’éter¬
nité, manque d’y faire réflexion, que nous faisons de l'éternité un néant, et du
néant une éternité; et tout cela a ses racines si vives en nous que toute notre
raison ne nous en peut défendre » (432). L'activité de l'imagination crée encore
des illusions lorsqu'elle prétend représenter l'éternité. Suite à son usage inadéquat,
l'éternité divine devient un néant et le temps humain devient l'éternité!5. Cela
revient à dire que le surnaturel et le naturel se trouvent représentés selon la même
mesure ou bien que l'imagination forme des représentations fausses de l’irrepré¬
sentable. La source de cette erreur consiste en l'absence de la réflexion sur la
nature de l’objet représenté. En faisant ses opérations, l'imagination ne fait pas

18 Dans ce deuxième cas, il s’agit de l’oubli de la mort. Ce motif est très fréquent dans les Pensées, cf.
par exemple les fragments 166, 414, 427 et 428.

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