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LA CONTEMPLATION, SES COMPOSANTES ET SES OBJETS SELON THOMAS D’AQUIN

nous conservons la copie des notes écrites ou dictées par Thomas, en vue de sa
determinatio magistralis”.

La q. 7 est consacrée à l’infinité de Dieu mais, à cette occasion, Thomas se
demande si, outre Dieu, il peut exister d’autres infinis par essence et aussi s’il
peut exister des infinis actuels selon l’extension ou selon le nombre.

Thomas, en citant Aristote, commence par dire que tous les anciens philosophes
ont attribué au premier principe la qualité d’infini, et cela raisonnablement, car
ils ont considéré que les choses découlent du premier principe de manière infinie.
La preuve que Thomas donne de l’infinité de Dieu ne se fonde cependant pas sur
cet argument. Est infini ce qui n’est pas fini. L’infinité de la matière à recevoir
toute forme est une infinité imparfaite, car la forme informant la matière la
perfectionne, mais, en même temps, la limite à une seule forme, la rend finie. La
forme, en revanche, reçue dans la matière n’est pas perfectionnée, mais limitée
plutôt à telle matière. Ainsi l'infini pris du côté de la forme non déterminée par
la matière est parfait. Or ce qui est suprêmement formel c’est l’être et l’être qui
n'est pas reçu dans quelque chose, c’est l'être divin, subsistant en lui-même. Dieu
est donc infini et parfait’#.

La notion d’infini en tant que tel (« infinitum simpliciter »), chez Thomas, se
situe du côté de la forme et il est évident qu’ainsi il ne peut y avoir qu’un seul
infini, un seul être qui soit infini par essence, à savoir infini en tout ce qu’il est.
Et l'autorité que Thomas cite dans l’art. 2 de cette même q. 7 est encore Aristote:
« Linfini ne peut pas exister à partir d’un principe quel qu’il soit ». Cependant,
Thomas n’hésite pas à reconnaître la possibilité de certains infinis à l’intérieur
du monde créé, mais ce sont des infinis sous un certain aspect. Des infinis en
puissance, comme la capacité de l’intellect créé de connaître tout objet qui soit
ou puisse être”, ou bien des infinis purement logiques ou mathématiques*°, ou
encore des infinis d'ordre matériel, car dans l’ordre formel seul Dieu peut être

27 Pour la date et les particularités du texte de ce Quodlibet, v. René-Antoine Gauthier, « Introduction
au Quodlibet XII», in Thomae de Aq., Quaestiones de quolibet. Ed. Leon., t. 25, 1, p. 152*-153*,
158*-160*.

28 A propos des problémes que cette preuve de l’infinité de Dieu a suscité chez d’autres théologiens
et parmi les commentateurs, V. Igor Agostini, « La démonstration de l’infinité de Dieu et le principe
de la limitation de l’acte par la puissance chez Thomas d’Aquin. Notes sur l’histoire de l’interprétation
de la quaestio VII de la Summa theologiae », Les études philosophiques, octobre 2009-4, p. 455-476.
2° « Ad secundum dicendum quod hoc ipsum quod virtus intellectus extendit se quodammodo ad
infinitum [cf app. des variantes ; infinita dans le texte], procedit ex hoc quod intellectus est forma non
in materia; sed vel totaliter separata, sicut sunt substantiae angelorum; vel ad minus potentia
intellectiva, quae non est actus alicuius organi, in anima intellectiva corpori coniuncta » J* Pars, q. 7,
a. 2, ad 2m (éd. Leon., t. 4, p. 74).

3° V. IIF Pars, g. 10, a. 3, ad 3m (éd. Leon, t. 11, p. 152-153). - Les positions majeures de Thomas à
propos de l'infini et de ses différentes formes, ont été étudiées par Jean Isaac, « Le Quodlibet 9 est

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