le processus, c'est la contemplation même de la vérité!. » Si l’on revient donc aux
quatre composantes de la contemplation selon Thomas, on retient, d’abord, les
vertus morales, qui créent les conditions intérieures et extérieures de la
contemplation. Ensuite, une série d’actes de connaissance qui, perfectionnant
l'intellect, le préparent à la contemplation, mais « qui ne sont pas la contemplation. »
En troisième lieu, Thomas pose la contemplation des effets divins que l’on découvre
dans le monde: cette contemplation revient à la fois au païen et au baptisé, au
philosophe et au théologien, comme on va le voir sous peu. Enfin, la contemplation
même de la vérité divine, dans la vision de Dieu face à face.
Sans oublier le rôle de la volonté dans la contemplation, dont on dira un mot
ensuite, on pourrait dire que Thomas envisage ici comme composantes de la
contemplation deux étapes préliminaires, qui disposent à la contemplation:
l'acquisition et l'exercice des vertus morales et le perfectionnement de l’intellect
par la connaissance de la vérité qu’il recherche. Lintellect ayant pour objet la
vérité, toute connaissance du vrai le perfectionne. Partant, selon Thomas toutes
les sciences que l’homme développe, et les connaissances qu’il acquiert par elles,
le disposent à la contemplation de la vérité divine“. C’est donc dès ce niveau-ci
et, ensuite, à propos des deux suivants, que l’on peut s'interroger sur le sens que
l'expression « contempler l'infini » peut avoir chez Thomas. Après ces deux étapes
préliminaires, Thomas pose un premier degré de contemplation, par les effets
de la vérité divine: c’est la contemplation que l’homme peut avoir de Dieu en
cette vie. Nous verrons que celle-ci est de deux sortes, naturelle et surnaturelle.
Mais pour Thomas la vraie contemplation consiste dans la vision de la vérité
divine, le suprême intelligible, Dieu, vision qui ne peut se réaliser qu'après la
mort.
18° JI-II*, q. 180, a. 3, resp. (éd. Leon. t. 10, p. 426).
4 « Et ideo vita contemplativa principaliter in operatione intellectus consistit ; et hoc ipsum nomen
contemplationis importat, quod visionem significat. Utitur tamen inquisitione rationis contemplativus,
ut deveniat ad visionem contemplationis, quam principaliter intendit ; et haec inquisitio, secundum
Bernardum, dicitur consideratio » Jn III Sent., d. 35, q. 1, a. 2, sol. 2 (éd. M. F. Moos, p. 1178, n. 37-38).
155 Sil’on compare, chez Thomas, les six degrés de la contemplation avec ces quatre composantes, on
constate que les quatre premiers degrés sont réunis sous la deuxième composante, le cinquième se
trouve à la fois dans la deuxième et la troisième composante, le sixième degré coïncide avec la
quatrième composante, la contemplation proprement dite. Thomas analyse les six degrés de Richard
de Saint-Victor car, dans une somme, il lui revient de les aborder du fait de leur diffusion, mais il les
reformule (II"-II", g. 180, a. 4, ad 3m) pour les présenter selon sa doctrine et, surtout, il ne les adopte
pas dans la responsio de son article. Pour la diffusion de certaines définitions et classifications du De
contemplatione, V. J. Grosfillier, «Introduction », dans Richard de Saint-Victor, Œuvres I, De
contemplatione (Beniamin maior), op. cit., p. 11-12.