OCR Output

dant parce qu’ils n'ont pas la plupart du temps les moyens de disposer d’une cave à
vins, voire d’une cave tout court, mais l’on sait que leur consommation de vin était
réduite au niveau des ménages. Nous avons néanmoins de réelles lueurs à cet égard
car c’est un domaine pour lequel le dépouillement des inventaires des marchands
de vins, qui tenaient les cabarets et guinguettes, apporte beaucoup”. On ne saurait
donc chercher des données absolues mais on verra à la lecture de nos analyses que
ce dépouillement fournit de précieux enseignements et permet de faire avancer
l’histoire des consommations viticoles.

Le premier élément qui ressort de l’étude des caves parisiennes est que les vins
doux, les vins de liqueur et vins liquoreux que l’on y trouve sont avant tout des vins
ibériques. Ceux d’origine française ne tiennent qu'une faible place : par exemple,
les sauternes, auxquels il faut joindre certains « langons blancs »!, ne se ren¬
contrent qu'exceptionnellement avant le XIX® siècle, et ce n’est que très progres¬
sivement que leur place s'accroît. Ainsi, sous le Premier Empire, si 20 inventaires
comportent des bordeaux, un seul indique du sauternes, un autre du barsac et
un troisième du vin de Langon, dont nous ne savons pas s’il est rouge ou blanc.
Ces vins ne semblent guère réclamés par la clientèle populaire ou celle des classes
moyennes parisiennes car dans les caves des marchands de vins les bordeaux doux
sont quasiment absents jusqu’à la fin du Second Empire : entre 1851 et 1854, sur
57 inventaires de marchands de vins, deux seulement ont des sauternes. Seules des
caves de grands restaurants ou de riches particuliers leur font une place notable.
Exceptionnelle est en 1769 la cave du fermier général Jean François de Laborde,
puisque l’on y trouve 190 carafons de vin blanc de Langon, évalués 300 livres, et
88 carafons de Capbreton blanc”, évalués 160 livres”, mais il était originaire de

Pitte, La bouteille de vin : histoire d’une révolution, Paris, Tallandier, 2013 ; Caroline Le Mao, « Bouteille
contre barrique : un nouveau conditionnement pour le vin de Bordeaux à la fin du XVII siècle », dans
Christophe Bouneau et Michel Figeac (dir.), Le verre et le vin de la cave à la table du XVIT° siècle à nos
jours, Pessac, MSHA, 2007, p. 19-32.

2° Voir notre article : « Les guinguettes des environs de Paris au XVIII* siécle : une nouvelle approche », a
paraître dans le Bulletin de la Société d'histoire de Paris et de l'Île-de-France, 2022.

4° J1 semble évident que cette appellation est usitée pour désigner des vins blancs doux qui peuvent être de
Langon mais aussi des environs, par exemple de Bommes, de Sainte-Croix-du-Mont ou du Sauternais,
ces derniers paraissant supérieurs au début du XIX® siècle aux dires d'André Jullien, alors qu’au contraire
au XVIII: siècle les vins de Langon auraient été « les meilleurs de la province ». — A. Jullien, Topographie
de tous les vignobles connus, [Paris, 1866], rééd. Ulan Press/Amazon, sd., p. 221.

2 Le vignoble de Capbreton et de ses environs est un petit vignoble de dunes qui produit des vins de très
bonne qualité aux prix élevés : d’après Jean Thore dans son ouvrage Promenade sur les côtes du Golfe de
Gascogne, Bordeaux, 1810, p. 107-108, au début du XIX: siècle ces vins sont nettement plus chers que
les bordeaux, ce que nous retrouvons dans les caves parisiennes. —A. Jullien en donne une rapide des¬
cription dans sa Topographie..., p. 231. Il s’agit de « vins de sable » provenant de vignes situées sur les
dunes. Le vignoble de Capbreton à retenu l'attention de Roger Dion dans son Histoire de la vigne et du
vin en France, p. 50-51. Son histoire a été précisée ensuite par Louis Papy : « Le vignoble des dunes de
la Maremne et du Maransin », dans Alain Huetz de Lemps (dir.), Géographie historique des vignobles, ti,
Vignobles français, Paris, CNRS, 1978, p. 149-157, puis par Jean-Jacques Taillentou, « Originalité du vi¬
gnoble disparu des dunes du littoral landais (XVII<-XTX siècles) », dans Pierre Guillaume (dir.), Vignes,
vins et vignerons de Saint-Emilion et d'ailleurs, Talence, Maison des Sciences de l'Homme d’Aquitainen
2000, p. 1-98.

23 AN, MC/ET/XVI/787/, 07/01/1769.

161