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d’entremets ou de dessert, ce qui suggére la place qui leur est attribué dans le dé¬
roulé du repas”. La gestion des caves montre ainsi que ces classifications reposent
donc plus sur l’usage du vin au cours du repas que sur sa couleur ou sa nature.

Les vins liquoreux méditerranéens sont les plus courants. Appréciés depuis
le Moyen-Âge, les vins muscats sont toujours bien représentés dans les caves et
parmi les achats des élites du XVIII siècle. Les vins d'Espagne, d'Italie et de
Chypre sont régulièrement mentionnés. Le vin hongrois de Tokay est lui aussi
recherché. Cette tendance affirmée s’observe dans les caves parisiennes tout au
long du XVIII siècle”. Les caves et les comptes de l'aristocratie européenne ré¬
vèlent également cette préférence. Le marquis de Brignes, Charles de Lorraine
comme le prince de Saxe en achètent régulièrement”. D'origine plus lointaine, les
vins de Constance ne sont mentionnés que dans les caves les plus prestigieuses.
L« État des vins de la Cave du Roy » dressé en 1782 comptabilise ainsi plusieurs
milliers de bouteilles de vin de Tokay et de Constance”. Mais ce goût des vins
doux n'est pas seulement l'apanage des plus grands aristocrates dans les capitales
européennes. Les vins muscats de Rivesaltes et de Lunel, les vins de Malvoisie,
de Malaga, d’Alicante ou de Rota sont fréquemment inventoriés dans les bonnes
caves du Sud-Ouest de la France au XVIII: siècle.?f. Dans les caves de nobles ou de
négociants du Roussillon et du Languedoc, on trouve évidemment des bouteilles
de Frontignan, de Lunel et de Rivesaltes, mais aussi de Malaga, de Chypre et de
Malvoisie?’. Les vins muscats en particulier font partie des vins doux les plus cou¬
rants que l’on peut retrouver dans des caves plus modestes et parmi les achats de
marchands ou de professions libérales. Ils doivent faire partie des vins servis sur les
bonnes tables et on les retrouve donc aussi dans les espaces coloniaux. À Québec et
à Montréal, par exemple, le gouverneur et l’intendant ont l’habitude de faire venir
des vins de Frontignan, de Malvoisie, de Malaga, de Madère ou des Canaries.
Le vin de Frontignan est aussi expédié de Bordeaux vers les Antilles au cours du
XVII siecle”.

Leur valeur transparaît aussi à travers l’usage symbolique qui en est fait. Les

2 Jean-Pierre Poussou et Philippe Bertholet, « Les vins que buvaient les notaires parisiens, du régne de
Louis XVI a la monarchie de Juillet », Revue du Nord, 2013/2, n° 400-401, p. 351-371.

2% Jean-Pierre Poussou, « Approches pour une étude de la consommation et du commerce du vin à Paris du
début du XVII: au milieu du XIX* », dans Christophe Bouneau et Michel Figeac (dir.), Le verre et le vin
de la cave à la table du XVIF siècle à nos jours, Pessac, MSHA, 2007, p. 109-132.

#% Archives départementales de l'Aube, Fonds de Saxe, EE 2447, Cave à Dresde (1763).

25 Guillaume Grillon, « État des vins de la Cave du Roy, 15 novembre 1782 », Crescentis : Revue internatio¬
nale d’ histoire de la vigne et du vin, n°1, 2018, p. 159-164.

26 Philippe Meyzie, La Table du Sud-Ouest et l'émergence des cuisines régionales (1700-1850), Presses Univer¬

sitaires de Rennes, Rennes, 2007, p. 367-370.

Geneviève Gavignaud-Fontaine et Gilbert Garrier, Le vin en Languedoc et en Roussillon : de la tradition

aux mondialisations XVI -XXT siècle, Montpellier, Trabucaire Éditions, 2007.

Catherine Ferland, « Le nectar et ’ambroisie. La consommation des boissons alcooliques chez I élite

de la Nouvelle-France au XVIIT: siècle », Revue d'Histoire de l'Amérique française, vol. 58, n°4, 2005, p.

475-505.

# Archives départementales de la Gironde, C 2395, État des marchandises sorties pour les Isles, 1743¬
1744.

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