Nous avons vu que le régime corporatif n'était pas autre chose que le
principe de l’union professionnelle apposé à celui de l’individualisme. Aussi
doit-il avoir son application nécessaire, réalisable dans le plus répandu, le plus
important de tous les modes de travail, celui de la culture de la terre.
Comment cette union se fera-t-elle? Essayons de saisir son développement
en suivant l’ordre des différents organismes qui vont s’echelonnant pour
former le corps des agriculteurs.
Au premier degré se rencontre la famille cultivant par elle-même son
domaine, l'étendue de celui-ci étant nécessairement assez restreinte, c'est
à proprement parler la petite culture, forme de propriété très salutaire, car
elle donne à chaque famille un foyer, une existence indépendante et qu’elle
empêche la formation du prolétariat.
Cette union familiale pour l'exploitation du domaine se maintiendra par
une législation sociale sauvegardant l'intégrité de ces foyers au moyen de
l'inaliénabilité des petits domaines.
La loi mosaïque l'avait établie par l'institution de l’année jubilaire après le
partage égal de la terre promise entre chacune des familles du peuple hébreu.
Le régime de la propriété consacré par les coutumes du moyen-âge assurait
la même protection à la famille rurale, par la séparation du haut domaine
ou droit de disposer, de celui d’usufruit perpétuel moyennant redevance qui
appartenait au tenancier.
Mais les lois économiques qui tendent de plus en plus à donner au travail
la forme sociale, exercent leur influence sur l’agriculture. Il est difficile de
supposer que l’on puisse indéfiniment mettre des barrières pour combattre
l'abondance des récoltes du sol sur un marché devenu universel ou considérer
ces richesses comme une source d’appauvrissement. La conséquence de ces
faits nouveaux n'est-elle pas tout simplement de modifier les formes actuelles
de la production devenues trop conteuses?
On peut facilement s’en convaincre en voyant que la seule classe agricole qui
ne souffre que très légèrement de ce que l’on appelle, à tort peut-être, une crise
agricole, est celle des petits propriétaires. Ceux-ci, en effet, grâce au travail
exécuté en famille ignorent les charges de la main-d'oeuvre ; ils ont donc,
d’une part, résolu le problème de la production à bon marché, seul moyen de
résister à l’abaissement normal et sans doute inévitable du prix des denrées
agricoles ; d'autre part, consommant eux-mêmes ces denrées et n’en vendant
qu'une faible partie, ils sont moins atteints par les fluctuations du marché.
Mais déjà, même pour ces familles de petits cultivateurs, une association plus
étendue s'impose ; pour augmenter encore la diminution du prix de revient, il
leur faut désormais se servir de machines perfectionnées, d'instruments dont
la valeur est souvent trop élevé pour être la propriété d’un seul. L’acquisition