Ceci posé, le moyen le plus simple de résoudre le probléme dans le sens
indiqué serait assurément de procéder par mesures législatives en décrétant
par exemple, que pour exercer les droits civiques, tout individu est tenu de
faire partie d’une corporation professionnelle. La république florentine nous
offre un précédent historique. A Florence aucun citoyen n’avait voix aux
délibérations publiques ni accès aux fonctions de l'Etat, à moins d’appartenir
à une des corporations des arts et métiers, et les membres de l’ancienne
aristocratie territoriale s'empressaient de se faire inscrire, qui dans la
corporation des orfèvres, qui dans celle des boulangers, qui dans celle des
marchands de drap etc., etc. Les municipalités du Moyen-Âge étaient partout
constituées d’une façon analogue.
Il s'agirait, par conséquent, d'étendre à tout un pays les anciennes institutions
des municipes, sans, bien entendu, borner l'application du régime corporatif
au commerce à l’industrie. Il faudrait, au contraire, constituer des corporations
aussi bien de grands propriétaires ruraux, de propriétaires moyens, de petits
propriétaires, de bordiers, de médecins, de professeurs aux Universités et
aux lycées, de banquiers, d'avocats, etc., etc. — seul le rentier, dont l’action
se borne à détacher des coupons ne trouverait point de place dans cette
organisation. On poserait ensuite le principe que le suffrage universel s'exerce
par corporations et non autrement.
La représentation nationale se composerait de délégués de corporations.
On aurait, par exemple, les trois degrés suivants : la commune, la province, le
royaume. Dans la commune les familles seraient représentées comme telles par
leurs chefs, la diéte provinciale se composerait des délégués des corporations,
lassemblée nationale serait formée de représentants de diéte.
Sous ce rapport, toutefois, la plus grande diversité sera de rigueur, selon
les pays, les traditions historiques, les besoins passagers des intéressés etc.,
etc., de méme que le mode d'élection, la composition des corporations et la
proportion dans laquelle ces dernières seront représentées aux diètes, devront
nécessairement varier à l'infini. L'organisme, tel que je viens de l’ébaucher,
est compliqué, il faut en convenir, mais la simplicité n'est pas le criterium
d’une constitution pratique. Tout dans la nature est compliqué, on ne simplifie
qu'en faisant abstraction de la réalité, c’est le propre de l’école doctrinaire.
Voilà aussi la raison pour laquelle une organisation de ce genre ne se décrète
pas. Vouloir l’imposer d'emblée à une nation, serait procéder à la manière
des libéraux et suivre l'exemple de ces législateurs révolutionnaires, dont les
oeuvres ont moins duré que leurs auteurs. Avant de convoquer les délégués
des corporations, il faut que les corporations existent et on ne décrète pas un
corps vivant, on contribue à le mettre au monde et à développer sa vigueur
physique et morale. Nous pouvons, en conséquence aider à la formation des
corporations, et la loi devrait favoriser le groupement professionnel ; elle peut
même le rendre obligatoire, partout où il tend à se former. Aller plus loin serait