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DE LA BONNE MONNAIE

Ce serait en méme temps un des moyens les plus efficaces pour arriver au
rétablissement de la paix sociale.

Qu’il nous soit permis, en finissant, de signaler une initiative que la papauté
pourrait prendre aisément, qui aurait de suite un éclat extraordinaire et qui
suffirait peut-être pour donner un nouvel aspect à la question sociale.

Lutilite, la nécessité, tant morale que physique, d’une limitation des heures
de travail, comme aussi du travail des femmes et des enfants, est reconnue par
tout homme ayant quelque souci du sort des classes ouvrières. Les ouvriers
de leur côté réclament, sur ce point, l'intervention de l'Etat, car dès que l’abus
est permis, la concurrence s’en empare, en profite et le rend nécessairement
universel. Sur ce point, catholiques et socialistes sont d'accord, car le mal
est flagrant, le remède indispensable. Seulement les socialistes emploient le
moyen des grèves et font appel à une révolution ; les catholiques voudraient
que la réforme partît d’en haut.

Les industriels, même catholiques, sont opposés à une réglementation
légale, et cela pour des motifs qui montrent clairement à quel point l’état de
choses créé par l'économie libérale contribue à la misère et à l’irritation des
ouvriers. Les industriels catholiques ne peuvent, ni nier le mal, ni se montrer
ou être en principe hostiles à sa guérison ; il y en a même plusieurs qui ont
émis un voeu dans ce sens ; une réunion de chefs d'industrie chrétiens, tenue à
Lille il y a deux ans environ,!! a formulé ce voeu dans une belle déclaration de
principes. Cependant, cette année, la Chambre des députés de France devant
délibérer sur un projet de loi’? destiné à fixer les heures de la journée de travail,
voici ce qu’il s’est passé :

M. Keller, député catholique éminent, membre de l’'Oeuvre des Cercles
catholiques d’'Ouvriers, trouva presque honteux et en tout cas fâcheux que
l'initiative d’une proposition si équitable appartînt aux radicaux. De plus, le
projet de loi ne tenant aucun compte du dimanche, notre confrère voulut
proposer un contre-projet, fixant les principes stipulant le repos dominical
obligatoire. Avant de rédiger définitivement son contre-projet, M. Keller
voulut pourtant avoir l'avis des industriels de l’'Oeuvre. Une assemblée des
oeuvres catholiques ouvrières se tenait alors à Lille ; la question y fut posée par
les représentants de l’'Oeuvre des Cercles. Il fut répondu en substance : « que la
pensée était louable, mais que, dans l'état actuel de concurrence internationale,
si la réforme avait lieu en France, l’industrie de ce pays ne pourrait pas lutter
contre celle des pays étrangers. On priait donc M. Keller de s'abstenir ». Il fut
ajouté qu’il n’en serait plus de même si des traités internationaux avaient
d’abord écarté le péril qu'on redoutait.

Cette réponse prouve à quel point il est vrai que la charité elle-même devient
impuissante en présence d’une législation qui s’abandonne à une concurrence
effrénée. Elle montre aussi, ce qui a déjà été reconnu ailleurs, que, dans l’état
actuel du marché, des réformes internationales sont indispensables pour

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