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DE LA BONNE MONNAIE dernier cas, le mot socialisme devient une espéce d’injure et la mauvaise foi voudrait en faire l'équivalent d’un argument. Il est donc devenu nécessaire d'établir une distinction entre le socialisme proprement dit, et ce qui est appelé à tort de ce nom, soit avec le consentement, soit malgré les protestations de ceux qui en sont accusés. Un exemple récent fera encore mieux sentir la nécessité de cette distinction : M. de Bismarck présente en ce moment deux projets de loi que lui-même qualifie de premier pas dans la voie du socialisme d’Etat.? M. de Bismarck nest certainement pas un socialiste dans le sens usuel du mot ; il est au contraire le Ministre qui a poursuivi le plus durement les socialistes proprement dits. Il est donc évident qu’il donne à ce mot un sens particulier et l'étude de ses projets de loi indique quel est ce sens. Un de ces projets consiste dans le rétablissement des corporations de métiers qu’il ne rend pas obligatoires, mais auxquelles il attribue un certain droit de surveillance sur ceux-là même qui, quoique du même métier, restent en dehors des corporations. Le second projet rend obligatoire pour les ouvriers de l’industrie une certaine assurance sur la vie dont l'Etat est l'administrateur. Il en résulte que tout ouvrier tué par accident, avec ou sans la faute du chef de l'atelier, laissera à sa famille une rente. La prime de ces assurances est payée obligatoirement, en partie par les chefs d'industrie, en partie par les ouvriers. Il y a des cas où l'Etat fournit un certain supplément de primes. En quoi consiste, dans ces deux cas, ce que M. de Bismarck appelle du socialisme d’Etat* ? Purement et simplement dans le fait d’une intervention quelconque de l'Etat en matière d'industrie ou de métiers. Encore l'intervention ne porte-t-elle pas directement sur l'exercice de l’industrie ou du métier, mais sur la réglementation des rapports entre les maîtres et les ouvriers. Dans le second projet, il y a, comme nous venons de le voir, une contribution de l'Etat à l'assistance des ouvriers les plus pauvres, et les économistes de l’école libérale qualifient tout acte de ce genre de socialisme au premier chef. M. de Bismarck se pare donc, en quelque sorte, de ce que les économistes considèrent comme une injure et il répond : « Oui, si toute intervention du pouvoir en faveur des ouvriers est du socialisme, eh! bien, moi aussi je ferai du socialisme. » Mais il suffit de ce qui précède pour montrer à quel point ce mot est mal à sa place. Les projets de loi de M. de Bismarck sont bons ; ils contredisent les théories de l’école économique moderne, mais ils sont conformes (dans leur esprit) aux principes pratiqués par tous les gouvernements quand ils étaient chrétiens ; ils jettent les bases premières d’une réglementation du travail surveillée par l'Etat et d’une certaine protection par l'Etat des faibles et des pauvres contre les forts et les riches, en y ajoutant une certaine assistance effective des plus pauvres. Or, non seulement il n’y a rien là-dedans de contraire à l'esprit chrétien, mais il n’y a pas un de ces actes que l’ancienne + 59 +