CANADIAN LANDSCAPES/ PAYSAGES CANADIENS
laborieuse 3 gue dans les milieux aisés á Montréal, on consommait du homard
(155) du c saumon fumé, [les] pátisseries de chez Le Nőtre, les fromages Bour¬
sault, les figues á deux dollars cinquante la piece» (153-154). Ceci est mis en
contraste évident avec le riz que doivent manger les habitants pauvres de cette
grande ville (155): la différence des classes sociales est mise en évidence bru¬
talement avec les choix alimentaires imposés par les conditions économiques.
Un fossé des générations est représenté ici aussi. Dans la nouvelle «Le
futile et l’essentiel», la mére — Fabienne — rend visite a sa fille qui habite a
Montréal, nommée Martine. La mère vient du milieu rural et appartient à la
génération qui tenait beaucoup plus aux valeurs traditionnelles. C’est pour¬
quoi elle ressent un manque dans les grandes villes et apporte, pour sa fille, de
la nourriture traditionnelle:
Et elle sortait des entrailles de sa valise de provinciale des confitures de framboises
et de prunes, des poires à l'alcool, du vinaigre de mûres sauvages, des marinades
fruitées, des pains de ménage, du vin de gadelle, des noisettes, du sucre d'érable,
des brioches, une catalogne tissée à la main, deux chandails, des gants et un passe¬
montagne assortis en laine rouge sur lesquels voletaient des bernaches noires. (43)
Dans la suite du texte, Monique Proulx souligne que la fille, de son côté, ne
ressent aucun besoin pour cela, elle en est même un peu dégoutée. La même
réaction se produit chez un journaliste accueilli par une petite-bourgeoise dans
la nouvelle «Madame Bovary», quand elle insiste sur la qualité de ses gâteaux
Paris-Brest et des tartes qu'elle prépare et auxquels elle tient trop (127), au
point de s’y identifier (128). Lidéologie de la cuisine nationale comme marque
cardinal de l’identite collective d’une famille ou d’un couple parait désuète,
arriérée ; elle est déconstruite par l’auteure des nouvelles, qui observe les nou¬
velles pratiques de vie des citadins et les met en relief.
En outre, pour la premiére fois dans notre corpus, nous avons la représen¬
tation des régimes diététique et végétarien. Par exemple, le visage de Fabienne,
personnage de la nouvelle « Le futile et l’essentiel» était «anémié par l’âge et
les diétes successives (40) ; sa fille, Martine, est végétarienne, et prépare du
couscous aux légumes (42). En plus, elle fait trés attention 4 ne consommer
que de la nourriture saine: «elle mangeait des fruits, des graines, des oléagi¬
neux et des aliments lactés dans de trés strictes proportions» (44). Il y aussi
des magasins de nourriture bio (158, 164). Pour la premiére fois dans notre
corpus aussi, nous trouvons les aliments incorporés dans des produits cosmé¬
tiques, tels que la masque aux concombres (91) et l’huile de pain aux pommes
vertes (103).
À part les aliments et les boissons, les personnages de Monique Proulx
consomment aussi de l’alcool ou en abusent, de même que du haschich: c’est
une autre innovation par rapport aux autres ouvrages de notre corpus. Les