relie les personnes, à travers l’espace mais aussi à travers le temps, puisque les
individus se souviennent des événements passés et de leurs expériences avec
certains aliments ou plats, ainsi que celles de leurs ancêtres. C’est ainsi que la
nourriture se transforme en patrimoine (1).
Ayant en vue ces perspectives des chercheurs contemporains sur la place
détenue par la nourriture dans le paysage culturel, la présente contribution a
pour but d’explorer la représentation des habitudes alimentaires dans quelques
ouvrages représentatifs de la prose québécoise du X X°siécle, traitant le sujet
des migrations ville-campagne et du développement urbain en tant que phé¬
nomenes sociologiques et culturels majeurs ayant un rapport particulier avec
la nourriture et la place qu’elle détient dans la société et la vie quotidienne.
D’abord, nous nous pencherons sur le roman Maria Chapdelaine de Louis
Hémon (rédigé en 1913 et paru au Québec en 1916), ouvrage représentatif du
roman de la terre. Puis, nous traiterons d’un roman urbain: du chef-d’ceuvre
de Gabrielle Roy Bonheur d’occasion, publié en 1945; nous analyserons aussi
son recueil de nouvelles intitulé Ces enfants de ma vie, datant de 1977, qui sera
lui aussi représentatif en faisant voir le contexte des migrations étrangères au
Canada dans les années 1930, ainsi que celui des migrations ville-campagne
à la même époque. Nous clorons notre analyse par le recueil de nouvelles Au¬
rores montréales de Monique Proulx, paru en 1996, représentant une métropole
moderne dans le processus de la mondialisation (Proulx). Nous tenterons
d'établir dans quelle mesure ces écrivains québécois représentent la nourriture
et les habitudes alimentaires dans leurs ouvrages et dans quel objectif ; puis,
quels sont les éléments de la culture alimentaire le plus souvent représentés
(plats, produits du terroir, commensalité ou autres habitudes alimentaires).
Enfin, nous devons considérer dans quelle mesure la nourriture fait partie du
paysage culturel dans la prose francophone du Canada, qui met en relief les
phénomènes anthropologiques et sociologiques tels que l'exode rural.
Le premier ouvrage qui s’impose a l’analyse est Maria Chapdelaine de Louis
Hemon, roman emblématique de la région québécoise du début du 20° siècle.
Rappelons que ce romana été rédigé d’abord pour le public frangais en feuilletons
publiés dans le journal Le Temps. C’est pourquoi l’auteur, journaliste français,
s’est donné pour objectif de représenter le paysage, le mode de vie et les coutumes
des habitants du village de Péribonka. Cet aspect exotique subsiste aussi dans
la première version cinématographique du roman, sortie en 1934 et réalisée par
Julien Duvivier — avec Madeleine Renaud et Jean Gabin dans les rôles principaux