des lois pour garder son homogénéité. Ces lois sont entretenues par la honte
et le mensonge. La honte agit comme une sorte d’autorégulation, tandis que
le mensonge est manipulateur et régit toutes interactions entre les villageois
et les étrangers. Le village s’appréte 4 combattre tout ce qui contredit à ses lois
sociales. Les éléments perturbateurs en face du centre ne peuvent que subir
leur sort, ainsi le village, par de multiples conflits et affrontements, éradique
de son milieu la diversité et la multitude, et se veut en isolement total des
changements, un espace atemporel. Souvent, ces lois despotiques, non écrites,
font fuir ceux qui ne veulent pas s’y soumettre: les étrangers, les femmes, les
animaux, et même les jeunes qui ne retournent pas au village après avoir fini
leurs études. Ne reste que ceux qui veulent à tout prix être gardiens des mœurs
du village, se bercer dans un passé idyllique où tout correspond à la volonté
du groupe, celle en grande majorité des hommes. Néanmoins, le dommage est
fait, la dégradation de cet ordre a commencé et le changement est imminent.
Le village comme il l'était avant est déjà mort, seuls ceux qui ne veulent pas
le voir et veulent le défendre a tout prix ne l’admettent pas. Lethnologue, dans
«La beauté de Jeanne Moreau, » elle, n’hésite pas 4 constater que « [I]e village
était mort depuis longtemps, c'était devenu, peu à peu, un lieu de villégiature
pour riches professionnels urbains en mal de tranquillité» (Tremblay, La hé¬
ronnière 79). L'ordre du village est celui des hommes. La narratrice condamne
Martine (à la beauté de Jeanne Moreau) pour ne pas être plus indépendante.
Elle admet que Martine est «une femme magnifique, intelligente, mais [...]
“laissée en friche” » (76). Cependant, plus tard dans le texte, elle |’ «envie» pour
sa «simplicité » : «Elle n'était que soumission et résignation. Pour Martine, le
monde avait un ordre et un sens, celui du village. Je lui enviais sa sérénité. » (85)
Mais Martine, elle aussi, comme autant de femmes avant elle, finit par quitter
le village, acte qui surprend la narratrice: «Depuis quelques années, le village
était déserté par les femmes. J'avais toujours pensé que la seule qui ne partirait
jamais, c'était elle. Je ne m'étais jamais autant trompée sur quelqu'un » (89).
Les mouvements migratoires vont dans Les deux sens: d’une part, il y a les
visiteurs mentionnés, d'autre part on peut constater le départ des femmes et
des jeunes. Cela dit, tandis que la migration vers le village est temporelle, celle
vers la ville, elle, est permanente, ce qui déstabilise l’ordre fragile du village
qui reste en constat combat contre cet exode.
L’atmosphère des nouvelles ne dépeint pas un village idyllique, on est loin
de cette nostalgie de la vie simple, de ce retour à la nature qui est de nouveau
à la mode. Il se passe des choses derrière les sourires polis, des choses qui
sont gardés en secret, même si tout le monde connaît la vérité. C’est le cas dans
«La héronnière» où plusieurs des villageois connaissent l’assassin de Roger
Lefebvre, l'organisateur du Symposium qui «pour un étranger, [...] a pris pas