Depuis la parution de son premier ouvrage en 1990, Lise Tremblay publie cing
romans: L’hiver de pluie (1990), La péche blanche (1994), La danse juive (1999),
La soeur de Judith (2007) et L’habitude des bétes (2017); deux recueils de nou¬
velles: La héronnière (2003) et Rand de la Dérive (2022); et un récit: Chemin
Saint-Paul (2015). Dès le début de sa carrière d’écrivaine, elle reçoit plusieurs
prix littéraires, dont le Prix du Gouverneur général en 1999 pour son roman
La danse juive, le Grand Prix du livre de Montréal et le Prix des libraires du
Québec en 2004 pour son recueil de nouvelles La héronnière. Elle est l’objet
de plusieurs travaux académiques et d’un dossier de Voix et Images en 2020.
On souligne souvent la singularité de l'œuvre de Tremblay dans la littérature
québécoise. En effet, il est difficile de placer son écriture dans les genres tra¬
ditionnels, par exemple, ses œuvres qui parlent des régions s'inscrivent diffi¬
cilement dans les courants du terroir ou de l’anti-terroir traditionnels pour
annoncer l’arrivé de l'écriture du néoterroir. (Entretien 25). Elle est souvent
qualifiée d’écrivaine de la désespérance, même si celle-là, nous le verrons plus
tard, est accompagnée dans ses derniers textes d’un sentiment d’espoir.?
L'écriture plutôt simple de Tremblay n’aborde pas ses histoires de l'extérieur.
Celles-là naissent tout d’abord en l’auteure pour enfin, après plusieurs années,
voir la page en forme de texte. Tremblay pratique une écriture proche pour
dévoiler son univers par le biais de multiples paysages. Tremblay ne prend pas
sa distance, elle ne cartographie pas dans son écriture, ainsi ne trouvons-nous
pas de narrateur omniscient chez elle. La voix de la narration est très person¬
nelle, intime; elle relève du proche, de l’espace haptique, du paysage.
De plus, il ne s’agit pas d’une auteure prolifique. Elle écrit peu et peu souvent,
et pourtant ses œuvres évoquent un univers unique dans le paysage littéraire
québécois. À travers des phrases simples, elle décrit un monde aux enjeux
complexes: des paysages qui représentent sa compréhension du monde. Elle
est aussi inspirée par des lieux réels pour son écriture: La héronnière, par
exemple, évoque les Isles-aux-Grues, où elle avait eu un chalet; tandis que dans
Uhabitude des bêtes Tremblay s'inspire des lieux de son enfance et de sa retraite,
où, après avoir habité 30 ans à Montréal, elle est revenue habiter.
Ce sont ces deux ouvrages qui font l’objet de notre analyse. La héronnière,
dont le protagoniste est le village même, nous dévoile la structure de ce paysage,
repris dans L’habitude des bêtes qui par sa narration intime nous introduit un
nouveau rapport de l’homme à sa nature.
La héronnière est un recueil de nouvelles qui comprend cinq nouvelles, dont
les deux premières, « La roulotte » et « La héronnière » ont le même narrateur,
un homme du village (regard indigène ou rural), tandis que les trois autres sont