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CANADIAN LANDSCAPES/ PAYSAGES CANADIENS

foi chrétienne et de la pratigue religieuse. Le récit alterne les scénes, guotidiennes
et banales®, et les sommaires, voire les ellipses: elles résument notamment les
situations douloureuses déclenchant des émotions si fortes qu’elles deviennent
ineffables. Citons à titre d'exemple le cancer foudroyant de la mère, le coma
après un AVC de la sœur, le suicide du frère malade dans une collision frontale
qu'il avait provoquée, le burn out de la narratrice, etc. Les bribes du récit donnent
à voir les différents membres de cette nombreuse famille: la mère, «très pieuse,
ultra-catholique » (Drapeau, L'Enfer 20), soumise à son mari autoritaire, sacri¬
fiant sa vie à la famille, qui noie son chagrin dans l'entretien de la maison et ne
commence à vivre qu'après le départ des enfants pour la ville, au moment où
sa maladie se manifeste; le pater familias intransigeant, dur avec ses enfants,
qui trompe sa femme et ne lui a jamais pardonné la noyade de son fils aîné, qui
ne jure que par le travail, prend la maladie de son cadet pour la faiblesse et
demande à ses enfants de «légitimer leur présence sur terre» (Drapeau, La
Terre 81); la sœur, garçon manqué, le frère «sombré dans le marais de la folie »
(Drapeau, La Terre 15), ainsi que la narratrice, d’abord petite fille de cinq ans,
puis jeune femme, mère de famille et comédienne épuisée qui, après avoir ra¬
conté la vie des proches, sort guérie de son burn out...

La reconstitution du passé familial est la mise à nu d’une expérience vécue
déchirante, traumatisante. Contrepied d’un témoignage authentique, le mo¬
nologue qui dévoile la complexité et l'ambiguïté des sentiments est un hommage
aux disparus. Sylvie Drapeau les ressuscite par les mots, convaincue que ceux¬
ci — qui manquaient dans cette famille taciturne où «l’amour semblait être
une denrée si rare » (Drapeau, La Terre 51) — ont le pouvoir de guérir les maux.
Toutefois sa tétralogie autobiographique ne peut pas étre réduite a l’autothé¬
rapie, méme si son effet libérateur semble évident. Cette confession poétique,
a la fois trés sincére et trés pudique, qui évoque les pertes et les deuils, la so¬
litude et les souffrances mais aussi l’affection, la solidarité, l’espérance, la
singularité des choses humaines, est un hymne a l’amour et a la vie.

« VOTRE AME EST UN PAYSAGE CHOISI’ » OU LES C/CORRESPONDANCES

Limaginaire de Sylvie Drapeau est fortement imprégné de paysages référentiels.
Ainsi le fleuve, l'élément essentiel du territoire, est la première image de l'œuvre.
Saisi par le regard, il est placé à l’incipit du volet au titre éponyme: «Il y a tou¬
jours eu le fleuve. Il était là, en bas de la colline sur laquelle était juchée notre
maison. On pouvait le voir au loin, de la fenêtre de la salle à manger. Une forêt

© Les jeux d'enfants pendant les vacances scolaires, le dîner où la narratrice reçoit son frère
schizophrène, le ménage à fond fait par la mère de famille, etc.
7 Paul Verlaine, vers tiré du poème « Clair de lune » du recueil Fêtes galantes, paru en 1986.

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