SOURCES DE LA CONTEMPLATION CHEZ THOMAS MERTON
et de l’irréalité complète de la mort » et comprend en même temps que la seule
façon de vivre est d'évoluer dans un monde chargé de la présence et de la réalité
de Dieu”. De l’athée qu’il était, Merton se transforme en quelqu'un qui a «accepté
toutes les possibilités de l'expérience religieuse »!$. Et ce n'est pas tout, car il ne
s’agit pas d’une acceptation purement intellectuelle, mais de l'éveil d’un désir
toujours plus fort qui le pousse à assister, malgré toutes ses réticences, à une
messe, pour la première fois de sa vie" et à délibérément chercher les moyens
d'approfondir ce sentiment de paix et d'union dont il a eu une première impression:
il évoque avec humour le mois consacré à méditer les Exercices spirituels de Saint
Ignace”, assis à même le sol, jambes croisées, tel un nouveau Mahatma Gandhi.
Si j'ai retenu tous ces détails de la description du parcours personnel de Merton,
c'est parce qu’ils fournissent déjà les mots-clés qui jalonneront ses écrits sur la
contemplation : l'expérience d’une réalité dépassant le domaine de la découverte
intellectuelle et plongeant ses racines dans le désir de l’union avec Dieu.
Si nous étudions le roman autobiographique avec beaucoup d'attention c’est
justement pour mieux apprécier les éléments majeurs qui nourrissent la réflexion
de Merton à propos de la contemplation. Vers la fin du livre, au moment de la
narration, où le jeune Merton fait son entrée chez les trappistes, l’auteur se livre
à une méditation sur le statut actuel de la contemplation pour faire état d’un
changement d'optique au sein de l’Église: tandis que Saint Augustin et Saint
Grégoire se lamentaient sur la stérilité de la contemplation?!, quoique supérieure
à l’action, le pape Pie XI la « réhabilite » dans sa constitution Umbratilem, rédigée
en 1924, en considérant qu’elle porte beaucoup plus de fruits à l’Église et au genre
humain en général que les activités telles que l’enseignement et la prédication.
Comment expliquer la contradiction qui semble opposer notre époque moderne,
agitée, à cette attitude plus favorable à la contemplation défendue par Pie XI?
— se demande Merton.
17 Ibidem, p. 229: « As Blake worked himself into my system, I became more and more conscious
of the necessity of a vital faith, and the total unreality und unsubstantiality of the dead [...]. By the
time summer was over, I was to become conscious of the fact that the only way to live was to live in
a world that was charged with the presence and the reality of God. »
18 Ibidem, p. 244: « one who accepted all the full range and possibilities of religious experience right
up to the highest degree of glory. »
9 Ibidem, p. 241: «[...] it was from there that I was eventually driven out by an almost physical
push, to go and look for a priest. », p. 247: « I will not easily forget how I felt that day. First there was
this sweet, strong, gentle, clean urge in me which said : “Go to a Mass! Go to a Mass!” It was something
quite new and strange, this voice that seemed to prompt me, this firm, growing interior conviction
of what I needed to do. »
20 Ibidem, p. 314: «I devoted a whole month to the Exercices.»
21 Ibidem, p. 473.