contemplatif". Nous allons voir plus tard gue la modération à laquelle l’auteur
invite à propos de l’art (notamment quand il dit de ne pas chercher d'émotions
ou de plaisir sensible), se révélera un élément constitutif de toute quête spirituelle,
de la contemplation dans son sens spirituel aussi. De même, un bon nombre de
ses « quasi »-définitions sur la contemplation religieuse se greffent sur ce que
nous venons de lire à propos de la contemplation en général: une « perception
intuitive de la réalité » à travers l’identification avec l’objet contemplé, cette
identification prenant la forme d’une union « quasi-expérientielle des membres
[d’un culte religieux] avec Dieu!!» et «la contemplation mystique n’est rien
d'autre qu'une connaissance intuitive de Dieu, a travers l’amour pur”. »
A part les deux indications que nous fournissent le titre original et sa version
française sur les lectures ayant nourri ce qui devient petit-a-petit une véritable
recherche spirituelle, le récit aussi comporte de nombreux renseignements : ainsi
figurent sur la liste des lectures du jeune Merton les Confessions de Saint Augustin
et l’Imitation du Christ de Thomas de Kempis, deux ouvrages pour lesquels un
de ses colocataires, un moine hindou, attire son attention: « Vous devez lire ces
livres. » — s'exprime Brahmachari avec une emphase peu habituelle pour lui.
Le commentaire que Merton apporte en rétrospective à ce conseil témoigne du
rôle essentiel que ces livres devaient en effet jouer dans son évolution: «il me
semble très probable, dit-il, que l’une des raisons pour lesquelles Dieu l’a amené
depuis l'Inde, c'était justement pour pouvoir me donner ce conseil". »
Au-delà de cette suggestion qu’il a reçue, le travail sur sa thèse, intitulé
«Nature and Art in William Blake! », le ramène également à des textes chrétiens
fondamentaux, à savoir les écrits des pères de l’Église et des scolastiques, à la
découverte desquels L'Esprit de la philosophie médiévale d’Etienne Gilson et
l'Art et scolastique du philosophe Jacques Maritain lui ouvrent la voie!f. C’est
au fur et à mesure, comme Blake prend une place toujours croissante dans ses
pensées, que Merton en arrive à l'évidence « d’une foi vitale, de l’inconsistance
10 V. ibidem, p. 243: «I had learned from my own father that it was almost blasphemy to regard the
function of art as merely to reproduce some kind of a sensible pleasure or, at best, to stir up the
emotions to a transitory thrill. I had always understood that art was a contemplation, and that it
involved the action of the highest faculties of man. »
1 Thomas Merton, « L’expérience intérieure. Notes sur la contemplation». Chemins de Dialogue,
n°15, 2000, p. 43.
2 V. idem, The Inner Experience. Notes on Contemplation. HarperCollins, San Fransisco, 2004, p.
136. « Mystical contemplation is an intuition of God born of pure love. »
1 Idem, The Seven Storey Mountain. Ed. cit., p. 237.
14 Ibidem, p. 238.
15 Ibidem, p. 242.
16 Ibidem, p. 238.