Né en France, à Prades, de parents peintres se déplaçant à travers le monde à la
recherche d'inspiration artistique, Thomas Merton (1915-1968) se familiarise
dès son plus jeune âge avec plusieurs langues européennes, dont le français, et
toute une culture de la sensibilité. Une sensibilité qui se traduit tantôt en mé¬
lancolie ou même en dépression chez l’adolescent, tantôt en la recherche pas¬
sionnée d’une valeur esthétique - littéraire ou autre. C’est ce qui le pousse plus
tard à faire des études de lettres modernes à Cambridge, puis à l’université Co¬
lumbia. S’il change d'université en cours d’études, c'est moins par ambitions
personnelles que sous la contrainte des circonstances: «son comportement
rebelle exaspère les autorités universitaires! » et le projet d’une carrière diplo¬
matique ou juridique, a laquelle le jeune Merton était destiné par son entourage,
disparait en fumée. Par ailleurs, d’aprés son propre témoignage, il aurait été
aussi un grand coureur de jupon et aurait dû quitter l’université pour avoir en¬
gendre un fils illégitime, mort d’ailleurs avec sa mère lors des bombardements
de Londres pendant la Seconde Guerre mondiale’. Merton évoquera cette jeu¬
nesse plus tard avec beaucoup de sincérité, du regret et pas peu de sévérité: sa
vie à Cambridge apparaît alors à ses yeux comme un fruit pourri qu’il a mordu
à pleines dents — il en reste un goût amer dans sa bouche, pour toujours. Comme
William H. Shannon, spécialiste de l’œuvre mertonienne, remarque avec justesse,
le roman autobiographique, The Seven Storey Mountain, dans la traduction
francaise: La Nuit privée d'étoiles, est «l’histoire d’un jeune homme appelé
Thomas Merton jugé par un moine appelé père Louis» — le nom que Merton
reçoit à son entrée dans la communauté trappiste“.