Létude de l’événement (ses composantes, sa temporalité) comme working in
progress permet a Deleuze de dégager, de contracter des éléments constitutifs
de sa propre philosophie. Sans Whitehead — pour reprendre l’enchainement
d’Angelos Triantafyllou — « Deleuze ne saurait pas laisser de cété le structuralisme
de la Logique du sens, pour le « tout est événement » de Mille plateaux, et même
pour «l'après événement », le virtuel, du Pli?!.» Mais qu'est-ce qu’un événement
et qu’a-t-il à voir avec la contemplation ? Passé au ralenti, tout événement fait
appel à une série de conditions, dont en premier lieu la vibration par laquelle les
diversités disjonctives s’intègrent dans une série infinie sans limites.
«Il y a extension lorsqu'un élément s'étend sur les suivants, de telle manière
qu'il est un tout, et les suivants, ses parties. Une telle connexion tout-parties
forme une série infinie qui n’a pas de dernier terme ni de limite (si l’on néglige
les limites de nos sens)’. »
Vient ensuite un deuxième moment lorsque les propriétés intrinsèques des
séries extensives, divergentes — «hauteur, intensité, timbre d’un son, ou teinte,
valeur, saturation d’une couleur’ » — convergent ou tendent vers les limites où
se constituent des séries internes, convergentes, susceptibles de former par
l’occasion actuelle une conjonction. «Ce ne sont plus des extensions, mais [...]
des intensions, des intensités, des degrés”. » Elles désignent une lisière, une
limite du possible, ce qui se trouve paradoxalement au milieu des séries, au milieu
d’une «zone d’indiscernabilité ». Le «un » (soit le «many » : un fleuve, une espèce
de soupe, la grande soupe, le chaos, ou l’orgique?, la diversité disjonctive, le
rhizome, etc.) devient donc « ceci ou cela » : « non plus l’article indéfini, mais le
pronom démonstratif”. » Après l’extension-connexion et l’intention-conjonction,
la troisième composante de l'événement vient désigner les éléments de l’occasion
actuelle, à savoir son unité individuelle, la « préhension » : « non plus l’indéfini,
ni le démonstratif, mais le personnel”. » Toute préhension présuppose des
préhensions préalables. Ainsi le préhendant et le préhendé font appel 4 un nexus
de préhensions préexistantes et/ou coexistantes, ce qui fait que ni le préhendant,
ni le préhendé ne préexistent, mais deviennent. C’est en devenant, en contemplant
que le préhendant se remplit de soi-même, se réjouit, se satisfait. Cette multiplicité
21 Angelos Triantafyllou, « Le nomadisme transcendantal : retour aux sources anglaises de la pensée
de Gilles Deleuze ». Synergies Royaume-Uni et Irlande, n° 5, 2012, p. 77.
2 P, p. 105.
23 Ibidem.
4 Ibidem.
> DR, p. 61,
6 P, p. 105.
27 Ibidem.