OCR Output

TIMEA GYIMESI

Deleuze) à celle du point (celle de Descartes). Le pli devient «l'opérateur
topologique »!° pour une:

«... philosophie organiciste où le multiple comme tissu vivant s’enveloppe et
se développe sans cesse, philosophie qui voit le monde comme totalité intri¬
quée, pliée, inséparable et dont la méthode est un parcours jamais achevé, du
plus obscur au plus clair où les nuances dissolvent les oppositions". »

Ainsi l'opération du pli allant à l'infini rend-elle les concepts deleuziens
éminemment dépliables les uns dans les autres: l’inflexion comme «pur
événement » déterritorialise et rend lisse les stries de l’espace et du corps pour
faire cesser la ligne chronologique en faveur d’un temps intensif, «intempestif»,
pluridimensionnel, vertigineux”, pur, celui de l’Aiön, de l’image-cristal, du
devenir, soit celui de l'événement.

Mais au lieu de s’adonner à l'étude des concepts censée pouvoir porter vers
l'infini, ou bien de montrer comment cette philosophie de l'événement se traduit
en une théorie de l’art — susceptible de remettre en cause la representation, et
tout ce qu’elle présuppose: perception optique et géométrique — il faudrait
s'interroger d’abord sur l'événement en ce qu’il révèle la relation au cœur même
de l'acte de contempler l'infini, pour ensuite esquisser les implications temporelles
et langagières relatives à tout « devenir-sujet ». On verra que souligner la nature
événementielle de cette relation ou encore la nature relationnelle de tout
événement revient à répéter le cri de Whitehead: «tout est événement ». Ceci
pour dire qu’à travailler à partir des concepts vaguement énumérés, les déplier
pour surprendre l'infini, on risque de rater deux rendez-vous avec la philosophie
de Deleuze: l'événement et le corps affecté.

Quant à l'événement, Deleuze ne cesse de souligner sa dette envers trois
grandes philosophies de l'événement et avoue y avoir consacré son temps:
« C'est vrai que j'ai passé mon temps à écrire sur cette notion d'événement : c'est
que je ne crois pas aux choses.» Avec l’enseignement de François Wahl sur
Hume et son Vers le concret il découvre l’'empirisme anglo-saxon et Whitehead

10 Y, Alain Badiou, Deleuze. « La clameur de l’Etre ». Paris, Hachette, 1997, en particulier le chapitre
« Le dehors et le pli», p. 117-137.

1 Bouquiaux, Laurence, «La notion de point de vue dans l’elaboration de la métaphysique
leibnizienne », Timmermans, Benoit (dir.), Perspective. Leibniz, Whitehead, Deleuze. Paris, J. Vrin,
2006, p. 23.

2 Y¥. Francois Zourabichvili, Deleuze. Une philosophie de lévénement. Paris, PUF, 1994, p. 81.

BV. aussi son dernier écrit publié de son vivant: Gilles Deleuze, « Limmanence: une vie... ».
Philosophie, n°47, sept. 1995, p. 3-7.

14 Entretien avec Robert Maggiori « Sur Leibniz »: Gilles Deleuze, Pourparlers. Paris, Ed. de Minuit,
1990, p. 218. [désormais PP]

* 168 +