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ANIKÓ RADVÁNSZKY capable de l'emporter sur la synchronie et que la signifiance signifie même audelà de la synchronie, c’est-à-dire au-delà de l’Etre'”. Il est absolument évident qu’arrivé à ce point de son cheminement intellectuel, Lévinas a depuis longtemps laissé la phénoménologie de immédiat derrière son dos. Tandis que dans la Totalité et infini, rappelons-le, le visage se présente comme expression ka8avto pure, comme manifestation auto-représentant, il s’agit donc de la « coïncidence de l’exprimé et de celui qui exprime s", dans Autrement qu'être ou Au-delà de l'essence c’est déjà le phénomène langagier de la trace — apparaissant dans la disparition — qui soutient la signification. Après la présence du visage, dégagée de la médiation des signes linguistiques, c’est alors le Dire s'exprimant dans l'émergence et le recul du passé qui ne deviendra jamais présent qui assure le caractère insaisissable de l’altérité de l’Autre. En même temps, malgré ce tournant bien marquant, la continuité reste palpable dans sa philosophie. Comme nous avons tenté maintes fois de le souligner, dans toute l’œuvre lévinassien c’est l'infini qui est censé se porter garant de la relation éthique. Dans le concept du visage de la première période c’est le sens infini ou la signification infinie qui s'exprime et précède (pour) toujours la production de sens, étant donné qu'elle en est la condition. Autrement dit, l’altérité absolue, l’altérité infinie de l'Autre est la condition de possibilité du fonctionnement du langage et de la production de sens, le discours est donc soutenu par la relation éthique. Pendant la deuxième période, la relation éthique est déjà garantie par la relation langagière et par sa capacité de renouvellement continue, jusqu’à l'infini, étant donné que le caractère insaisissable de l’altérité de l’Autre se voit être assuré par l’ambiguïté du fonctionnement du langage, le double sens de l'expression et du recul vers l’incompréhensibilité. Selon la conception de base de Lévinas, l'Autre est infiniment autre, sa présence affaiblit en même temps son altérité radicale, il semble donc que c’est justement la métaphysique de la présence du Dire, de l'expression du visage qui a empêché le philosophe d'approfondir cette figure conceptuelle dont le fonctionnement se situe au cœur de cette philosophie par l'intermédiaire de l’idée de l'infini. Dans la deuxième grande œuvre, qui réussit à surmonter la contradiction déjà préétablie et à mettre plus en valeur la perspective de l'infini, c’est la structure de trace infixable du Dire, Ilest à noter que dans Autrement qu'être c'est l'acte éthiqe lui-même, c’est-à-dire non seulement le visage de l’Autre mais aussi la réponse éthique de la responsabilité qui s'associe à la trace de l’Infini. Le passé immémorial se signale dans la relation éthique, et devient ainsi le passé de l'appel à la responsabilité anarchique adressé par l'infini au sujet éthique. Mais ce questionnement est hors du champ de notre interrogation présente. 2 Lévinas, Totalité et infini. Op. cit., p. 47. « Coincidence de l’exprimé et de celui qui exprime, manifestation, par la méme privilégiée d’Autrui, manifestation d’un visage par-dela la forme. s * 164 +