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DE L'INFINI DU VISAGE À L'INFINI DU LANGAGE -— SUR L'ŒUVRE D'EMMANUEL LÉVINAS est complètement différent ne peut réellement être autre que si sa différence du même est infinie, c'est-à-dire, s’il est en rapport avec la notion de l'infini. La véritable réflexion respecte l’altérité inconcevable et radicale de l’Autre. Sans aucun doute, Lévinas nous conduit à faire face à l’une des plus grandes difficultés de la pensée. Ceci est d'autant plus évident qu’en suivant sa réflexion nous comprenons que lorsque nous pensons l’Autre tel une source de sens indépendant de nous, autonome et finale, nous devons en même temps penser l'infini. Il n’est donc étonnant que, pour interroger l'infini, nous soyons tentés de nous éloigner de la philosophie et nous tourner plutôt vers des expériences mystiques, religieuses ou même artistiques. Or, sur ce chemin d'exploration, le philosophe — et, comme nous allons le voir plus tard, Lévinas qui s'efforce de rester dans le domaine de la philosophie, plus précisément dans celui de la phénoménologie reconsidérée — n’est point épargné d'affronter, tôt ou tard, des contradictions, même s’il (ou justement parce qu’il) essaie de saisir l’altérité, cette notion qui nous est infiniment étrangère et inabordable par les moyens de la pensée, par voie expérimentale, tout d’abord et de manière accentuée dans le phénomène du visage. En fait, le visage, ce concept central et aussi le plus connu de la philosophie de Lévinas, ne peut pas vraiment être considéré comme un concept. « Le visage est une expérience pure sans concept », une expérience unique dans laquelle le Même n’incorpore pas l’Autre, étant donné que le visage ne se représente jamais sous forme objectivée mais se révèle. En partant donc du visage — malgré et prenant en considération le fait qu’il met toute cette réflexion sous un éclairage plus humain — la question essentielle qui se pose « dans sa nudité » lorsque nous essayons de penser l'infini est la suivante : comment est-il possible de faire l'expérience de quelque chose qui est phénoménologiquement inaccessible ? Et bien que le visage ne soit pas un concept, Lévinas, au cours de chacune des deux périodes majeures de son œuvre, cherche à répondre à cette question en élaborant une théorie éthique hors pair du langage. Le visage ne peut être saisi que par sa propre révélation qui est censée se réaliser dans le contexte du langage. Lévinas parle carrément de l'épiphanie du visage, terme qui ne correspond nullement à la visibilité phénoménale, à l’image, mais à un discours particulier qu’il appelle «expression». C’est donc cette expression (ou révélation) qui relie le visage à l’idée de l'infini, et c’est ce lien qui sera par la suite l’objet d’une investigation plus approfondie. Lévinas définit par ailleurs le visage comme «la manière dont se présente l'Autre, dépassant l’idée de l’Autre en moi. s Nous pourrions donc dire — en faisant référence au mot grec «schéma » qui signifie « figure » — que le visage « schématise » l’idée de l’infini. C'est le langage, c’est-à-dire la signifiance, cet émergence du sens qui est cet acte e 151 e