subissent une objectivation immanente”. » Un « moment » n'existe en tant que
tel qu’à condition d’être rétroactivement perçu comme unité soustraite au flux
temporel immanent. C’est acte d’abstraction constitue l'effort même de re¬
présentation, dont procède en partie l’appréhension des objets-événements¬
temporels. Ainsi, un «moment » du flux est en soi comme un croisement de
rétentions sur lequel, par un acte de re-présentation, nous portons notre attention.
Le « moment » présent glissant vers le «tout juste passé » est intégré dans un
réseau de flux rétentionnels dont procèdent la présentation des vécus et la re¬
présentation des objets-événements-temporels. Le « dégradé » des impressions
primaires, auquel se superpose la re-présentation d’un objet-événement-temporel,
par exemple une mélodie, n’est jamais totalement isolé. En effet, à l'écoute d’une
mélodie, bien d’autres rétentions s’additionnent et constituent le milieu de
l'expérience vécue : imaginons que la mélodie en question soit jouée par un
pianiste sur une scène. Pendant l'écoute, en sus du flux rétentionnel inhérent à
la donation même de la mélodie, d'innombrables impressions (ou stimuli
sensoriels) continuent spécieusement d’être intégrées dans des rétentions plus
confuses (autrement dit plus ou moins hors de portée de notre attention); ces
rétentions structurent par leur interdépendance la présentation synthétique des
autres vécus, des autres objets-événements-temporels constitutifs de l'expérience,
ou plus précisément, du milieu afférent au déroulement de cette dernière. Ce
réseau de rétentions constitue la trame de ce qui, au sens le plus large, apparaît;
ainsi, le flux rétentionnel de la mélodie, bien qu'inhérent à la présentation
singulière de cette dernière, n’est jamais totalement isolé, autonome, et par la
même occasion, originel. C’est pourquoi toute rétention est déjà l’objet d’une
synthèse élémentaire, celle-là même qui effectue la liaison des « dégradés
continus », structurant ainsi le milieu de toute expérience possible. C’est ladite
synthèse qui permet que notre perception de la mélodie soit intégrée dans une
perception plus synoptique d’un ensemble homogène et plus ou moins ordonné
de vécus et d’objets-événements-temporels (par exemple, les éléments du décor,
les silhouettes des autres membres de l'auditoire, les émotions qui nous étreignent
et les pensées qui nous viennent pendant l’écoute de la mélodie, etc.). C’est cet
ensemble homogène et plus ou moins ordonné de vécus que nous désignons par
la notion de milieu. Le milieu ne désigne pas directement l’espace où sont perçus
les objets-événements, mais plutôt la synthèse et la synchronisation des flux
rétentionnels soutenant l'apparition desdits objets. Ainsi, la perception d’un
objet-événement ne se suffit jamais à elle-même et se déporte automatiquement