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STÉPHANE KALLA

qui apparaît ne se déploieront pas n’importe comment, les différentes phases de
leur coordination observeront un ordre plus ou moins déterminé d’enchaînement,
il est donc nécessaire que l’ensemble des mécanismes structurant la perception
des objets soient intégré dans un continuum déterminé (ou « durée »), c’est
pourquoi ce qui doit être donné avant est donné avant, ce qui doit être donné
après est donné après:

« Le point-source, avec lequel commence la « production » de l’objet qui dure,
est une impression originaire. Cette conscience est saisie dans un changement
continuel : sans cesse le présent de son «en chair et en os» se change en un
passé; sans cesse un présent de son toujours nouveau relaie celui qui est
passé dans la modification. Mais quand le présent de son, l'impression origi¬
naire, passe dans la rétention, cette rétention est alors elle-même à son tour
un présent, quelque chose d’actuellement là. [...] Mais chaque présent actuel
est soumis à la loi de la modification. Il se change en rétention de rétention,
et ceci continûment. Il en résulte par conséquent un continuum ininterrom¬
pu de la rétention, de telle sorte que chaque point ultérieur est rétention pour
chaque point antérieur. Et chaque rétention est déjà un continuum. Le son
commence, et «il» se prolonge continûment. Le présent de son se change en
passé de son, la conscience impressionnelle passe, en coulant continüment,
en conscience rétentionnelle toujours nouvelle". s

La transition continue entre « conscience impressionnelle » et « conscience
rétentionnelle » manifeste la donation même de l’objet. La dynamique
rétentionnelle conserve l’impression originaire, la « déploie » pour ainsi dire, et
favorisant ainsi son extension temporelle, la rend manifeste (autrement-dit
perceptible). La rétention est donc l’acte par lequel se constitue toute forme de
perception dans son extension temporelle et spatiale ; en effet, si le flux rétentionnel
est un acte proprement temporel et immanent, il est aussi l’acte qui structure
notre appréhension des objets « transcendants » et détachés dans l’espace, en
tant que l’aperception de ces derniers dépend de la conservation dans le temps
de leurs qualités respectives. C’est en effet parce que lesdites qualités sont
temporellement étendues (et pour ainsi dire perpétuées) au travers du continuum
rétentionnel, que l'apparition des réalités (ou « objets ») qu’elles informent peut
subsister en tant que telle et devenir perceptible. Le « maintenant » de l’objet est
donc toujours l’aboutissement d’un enchaînement de rétentions, c’est
paradoxalement le « dégradé » des impressions originaires qui constitue, ou rend

1° Edmund Husserl, Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps (1905). Paris,
Presses universitaires de France, 1996, pp 43-44.

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