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LE TEMPS COMME FORME DE LA CONTEMPLATION - PERSPECTIVES PHENOMENOLOGIQUES

que chaque instant (et chaque laps de temps) est distinct pour ainsi dire
«individuellement » de chaque autre, et qu’aucun ne peut avoir lieu deux fois,
de méme aucun mode d’écoulement ne peut avoir lieu deux fois?. »

Autrement dit, ce qui se donne (un son, par exemple) doit durer pour étre
percu, c’est pourquoi la durée prend la forme d’un irréductible corrélat de la
perception:

« Nous parlons de perception a l’égard de la durée du son qui s’étend jusqu’au
présent actuel et disons que le son, le son qui dure, est perçu, et qu’à chaque
instant, de l'extension de la durée du son n’est à proprement parler perçu que
le point de la durée caractérisé comme présent. De l'extension écoulée nous
disons avoir conscience dans des rétentions et que nous avons conscience des
parties de la durée ou des phases de la durée, qu’il n’est pas besoin de délimi¬
ter nettement, pour celles qui sont les plus proches de l’instant actuel, avec
une clarté décroissante, pour celles qui sont plus éloignées (phases du passé
situées plus en arrière), de façon tout a fait obscure, a vide’. »

La dynamique rétentionnelle (de « rétention ») constitue 4 proprement parler
l'objet perçu, en tant que ce dernier n’est donné qu’au travers une succession de
phases, correspondantes à la transmission continue d’informations qui le
constituent dans sa singularité provisoire; provisoire seulement, car la dynamique
rétentionnelle n'étant jamais véritablement achevée, les possibilités pour un objet
de se manifester différemment, c'est à dire avec, comme le dirait Leibniz, «un
détail de ce qui change »!, (quand bien même ce détail serait infime, voire
inconscient) sont illimitées. La perception est donc de nature informative, mais
toute information a besoin de temps pour être diffusée, c’est pourquoi la
«rétention » peut être entendue comme le processus qui étale et manifeste
temporellement les informations constitutives d’un “objet” quelconque. La nature
temporelle de l’objet n’est donc point dissociable de la nature informative de ce
dernier. De manière très générale, la transmission d'informations implique
nécessairement que ces dernières soient déployées successivement, et non d’un
seul coup, car une transmission purement instantanée de ces données ne
permettrait point de les distinguer dans leurs singularités respectives, et
finalement, de les appréhender. Plus précisément, l’appréhension d’un objet
suppose une organisation perceptuelle coordonnée, autrement dit, une
interdépendance structurée des informations constitutives de l’objet perçu. Cette
interdépendance des informations perceptuelles implique une temporalité
spécifique. En effet, les différents processus mis en jeu dans l’aperception de ce

8 Ibidem, pp. 41-42.
° Ibidem, p. 40.
10 Leibniz, La Monadologie, $ 12.

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