OCR
ÉvA MARTONYI pas de fin. Rien que la brume sèche qui ondoie près de l’horizon, en brisant des reflets, en dansant comme des herbes de lumière — et la poussière ocre et rose qui vibre dans le vent froid, qui monte vers le centre du ciel?. » Pour une analyse plus complète du thème du désert chez Le Clézio nous renvoyons à l'étude de Claude Cavallero’®. L'auteur attire notre attention sur la polyvalence du terme du désert: « Désert signe d'emblée sa dédicace à l'absence: celle, signifiante, d’un déterminant. Il ne s’agit guère ici du désert comme thème défini, ni encore d’un désert géographique particulier, mais plutôt d’un état, au mieux d’une entité, en bref, d’une ambivalence que l’unicité du lexème pourvoit du zoom de la majuscule comme pour souligner, pour amplifier l’'équivoque. Du fait qu’il figure, tout comme la mer, une catégorie d'espace à l’état pur, Désert nous ouvre à l’idée d’immensité de liberté, mais aussi à celle de l’inachèvement et d’effacement, expression d’un manque qui prédispose à la quête des traces: la perte des repères est constamment en jeu en ce lieu symbolique où toute empreinte s'inscrit dans un rapport fondamental à la durée. La force de ce titre tient à l’ensemble de ces virtualités. Désert fascine en ce qu’il n’admet aucune amorce définitionnelle précise, c’est l’absolue frontière de notre imaginaire”. » Nous avons choisi ce récit, parmi d’autres”, car il illustre le mieux, à notre avis, la transformation moderne (voire même postmoderne) de la contemplation, de l'inscription de l’immensité de l’espace — dans l'infini du temps, en renonçant, du moins apparemment, à toute prétention philosophique proprement dite. Conclusion Le recours à l'infini esthétique de Paul Valéry, un texte bien court, mais non moins révélateur, peut nous servir de conclusion et en même temps d'ouverture vers d’autres horizons d'analyse. L'auteur distingue, en guise d'introduction, deux sortes de perceptions. D'abord celles qui appartiennent à l’ordre des choses pratiques et qui ont une tendance finie (la faim, par exemple). Mais, d’après Valéry, 27 Le Clézio, op. cit., p. 97. 2 Claude Cavallero, Le Clézio témoin du monde. Paris, Calliopées, 2009; Lappel magique du désert, Paris, Gallimard, 2009, pp. 233-250. 9 Claude Cavallero, op. cit., p. 234. 3° On aurait pu passer a l’analyse d’autres livres de l’auteur tels que Lextase materielle, 1967, L'inconnu sur la terre, 1978, Voyage a Rodrigues, 1986, LAfricain, 2004, pour ne mentionner que les titres les plus importants. s 114 "